Le disciple des heures sombres

Homélie du frère Rémy Valléjo – samedi 28 mars 2020

Si, selon l’évangile de Jean,  Nicodème est un personnage particulièrement attachant,

c’est très certainement parce qu’il est le disciple des heures sombres.

Le disciple des heures sombres…

C’est non seulement le notable, le pharisien, le maître en Israël, qui avec une timide discrétion vient trouver Jésus de nuit.

Mais c’est aussi l’homme qui avec courage, droiture et fidélité défend le galiléen et prend soin du corps d’un Messie déchu et défunt.

Nicodème,

au sein de sa communauté,

est très vraisemblablement un homme soucieux de reconnaissance et inquiet du jugement d’autrui.

En effet, c’est de nuit, 

et donc à l’abri du regard des siens,

que Nicodème vient trouver Jésus.

Rappelez-vous de cet entretien ou l’apparente incompréhension de ce maître en Israël révèle encore davantage le mystère du Fils unique de Dieu qui fait naître tout homme d’en haut.

Cependant,

au plus profond de son coeur,

Nicodème est certainement plus soucieux de justice que du jugement des autres.

Ainsi,

après avoir été longtemps retenu par la timidité et la crainte, 

Nicodème n’hésite pas à braver les siens.

Non seulement il parle ouvertement mais il n’hésite pas aussi à poser les gestes compromettants.

A l’heure sombre de la tourmente, 

il ne craint pas de prendre la défense de ce Jésus qui aux yeux des siens ne peut être le Messie.

en demandant si la Loi permet de condamner un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait?

Enfin,

à l’heure sombre de l’abandon,

il ne craint pas de rendre hommage à la dépouille d’un homme maudit, en apportant un mélange de myrrhe et d’aloes.

Comment cet homme qui après s’être très longtemps tenu sur le seuil ose ainsi franchir le pas ?

C’est non seulement parce que Nicodème est un homme juste qui a une rigoureuse connaissance du sens de la Loi de Moïse.

Mais c’est aussi et surtout parce que c’est un homme de Dieu qui,

aux heures sombres et obscures,  

pressent et saisi ce qu’est l’esprit même de la loi: une naissance d’en haut.

Une naissance qui, n’en déplaise aux pharisiens, n’est ni de Galilée ou de Bethléem en Judée.

Car cette naissance elle est bel et bien d’en haut. 

Non point désincarnée.

Mais là haut, 

sur une croix, une croix fichée en terre,

là même où l’amour, l’espérance et la foi de Dieu envers les siens est le plus sincèrement manifestée.

En vérité, en vérité je te le dis,

à moins de naître d’en haut,

nul ne peut voir le royaume de Dieu…

…comme Moïse éleva  le serpent dans le désert,

ainsi faut -il que soit élevé le Fils de l’homme,

afin que quiconque croit

ait par lui la vie éternelle (Jn 3, 5 et 14)

Si Nicodème est le disciple des heures sombres,

ce n’est donc pas parce qu’il s’est heurté et confronté à la peur, à la tourmente et à l’abandon,

mais parce qu’il a entendu, vu, contemplé et touché la lueur de foi, d’espérance et d’amour qui luit dans les ténèbres et que les ténèbres n’ont pas arrêté.

Puisse ce disciple des heures sombres nous aider – aux heures douloureuses que nous traversons actuellement – à voir la lumière de Pâques.

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