Homélie du frère Philippe Verdin – 4 février 2024 – 5e Dimanche du temps ordinaire
Certains disent : « Jésus a guéri la belle-mère de Pierre pour qu’elle puisse préparer le diner ! Tous ces gars qui débarquent ont faim ! » Quand on réduit la Parole de Dieu à une question d’intendance, quand on interprète les signes accomplis par Jésus à l’aune de notre appareil digestif, on passe probablement à côté de l’essentiel.
Jésus entre chez Pierre le soir du sabbat. Or, le soir du sabbat, c’est le moment de la prière familiale, on allume les lampes – c’est pourquoi tous les samedis soirs à l’office des vêpres nous chantons : Joyeuses lumières ! – et c’est la maitresse de maison qui allume les bougies et dit la bénédiction : barouk ata Adonaï, Elo-hénou Mélech a olam : « Bénis sois-tu, Eternel, notre Dieu ; tu nous as sanctifié par tes commandements… »
Donc, ce n’est pas pour servir la popote que Jésus guérit la belle-mère de Pierre, c’est pour que puisse commencer la liturgie, pour que puisse se dérouler la prière en l’honneur de son Père.
Alors c’est un fait qu’au début de l’évangile de Marc, Jésus accomplit des guérisons à foison. C’est ainsi qu’il montre qu’il est le Messie : il annonce le salut et il guérit : « il guérit beaucoup de malades et chassa beaucoup de démons » nous dit l’évangile d’aujourd’hui. Il est médecin des âmes et des corps. Là où il passe, il guérit les cuisinières, les belles-mères, les lépreux, les aveugles, les sourds, les paralytiques, et il guérit aussi les possédés…
Aujourd’hui encore, le Christ vient nous guérir. En venant à la messe, nous aussi nous recevons la guérison : le prêtre répète ces mots à l’offertoire : « Dis seulement une parole, Seigneur, et je serais guéri… ». Nous voulons guérir de nos infirmités, de nos maladies. Nous aimerions bien aussi être guéris de notre péché, la jalousie, la colère, la convoitise… Nous voudrions guérir de notre manque d’amour, de notre égoïsme, de notre tristesse. C’est donc le soin du corps et le soin de l’âme. Dans l’évangile, guérir et sauver c’est le même mot. Salus, en latin, qui veut dire aussi bien salut que santé. Beaucoup de nos contemporains ne savent pas très bien ce que signifie le kérygme, la bonne nouvelle d’un Dieu Sauveur. Jésus sauve… Sauve de quoi ? En revanche, tout le monde réclame la santé.
Justement, le Christ s’attaque à notre maladie secrète : car nous aurons beau faire les fiers, il y a cette bête tapie dans notre âme, qui nous aliène, qui nous oppresse, qui nous tourmente jour et nuit. La peur.
La peur de quoi ? Oh, la peur peut prendre bien des formes ! Elle varie selon notre âge, selon nos responsabilités familiales ou sociales… La peur de manquer, la peur de la guerre, la peur des virus, la peur du déclassement social, la peur pour ceux que j’aime, la peur de vieillir, la peur de la pollution, la peur des immigrés, la peur de la faillite, la peur du jugement d’autrui, la peur de ne pas être à la hauteur… Cette peur bride notre générosité, la peur jugule nos élans de liberté, la peur nous empêche de courir le risque de la sainteté.
Et parmi les peurs les plus tenaces, la peur de la meurt.
Jésus prend soin de nous par sa Parole de vie. Il nous rassure, il nous encourage, il nous promet la vie éternelle. Portons-nous crédit à cette promesse ? La vie éternelle…
Frères et sœurs, vous serez d’accords avec moi que cette question est une question de foi. Qui a-t-il après la mort ? Comment passer par la grande épreuve – la traversée inévitable pour chacun de nous – sans peur, plein de confiance dans la miséricorde de Dieu, gonflés d’espérance et de curiosité pour ce qui nous attend après ?
Oui Seigneur, je crois. Mais viens au secours de mon peu de foi ! Viens guérir ma peur. Que ton amour dissipe nos ténèbres. Avec toi, nous pourrons passer par la mort pour connaitre l’éternelle vie. Mais tiens-nous la main. Avec toi, nous irons au bout du monde et même au-delà, dans les verts pâturages qui nous attendent … Mais ne nous lâche pas à l’heure décisive !
Que cette eucharistie nous donne le viatique nécessaire pour ce moment crucial.