Homélie du frère Emmanuel Dumont – 18 mai 2025 – 5e dimanche de Pâques
D’après ce que nous dit Jésus aujourd’hui, être chrétien, c’est chercher la gloire et la nouveauté.
1.1 La gloire, on la donne à Dieu
La gloire, c’est avant tout quelque chose que le Chrétien donne à Dieu. On appelle ça la doxologie. Pendant la liturgie des heures, c’est quand on s’incline devant la Trinité.
La liturgie, c’est le lieu où on rend gloire. C’est pour ça qu’on a l’encens à la messe par exemple aujourd’hui.
Dans l’Ancien Testament, la gloire a une certaine importance pour ceux qu’on appelle les auteurs sacerdotaux. La gloire de Dieu se pose sur le Temple. C’est au Temple qu’on l’admire. Et quand elle sort du Temple, c’est pour transformer le cosmos entier en Temple qui adore Dieu.
Un grand jésuite belge du XVIe siècle, affirmait même que, si Dieu a créé le monde, s’il a donné la vie éternelle aux hommes, c’est pour que la Création manifeste sa gloire et que les bienheureux chantent ses louanges. On retrouve le fameux « ad majorem dei gloriam ».
1.2 La gloire de Dieu, sans nous
Et pourtant, il a y a la préface commune qui nous rappelle que « nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es »… Alors, la doxologie, c’est orthodoxe, mais ça reste paradoxal. La gloire de Dieu peut se passer de notre opinion commune, de notre doxa grecque.
Parce que la gloire de Dieu, elle lui est aussi intérieure. Le mot hébreux Kavod rend compte de cela. On le traduit parfois par poids. Dans le psaume 7, la Bible de Jérusalem traduit même le mot Kavod par « entrailles » : le psalmistes se plein que ses entrailles trainent dans la poussière. La liturgie, elle affirme bien que c’est la gloire qui es trainée dans la poussière.
BJ Psaume 7:6 que l’ennemi poursuive mon âme et l’atteigne! Qu’il écrase ma vie contre terre et relègue mes entrailles (mon honneur : TOB, ma gloire : AELF) dans la poussière!
En réalité, nous mettons peu notre gloire dans nos entrailles. Mais parfois, nous la mettons dans le fruit de nos entrailles. Les enfants ne font il pas la gloire de leurs parents quelle que soit l’opinion commune à leur sujet ?
Cette idée sur la gloire nous aide à comprendre la gloire de Dieu. L’Évangile d’aujourd’hui peut être considéré comme un sommaire inversé du reste du discours que Jésus fait à ses disciples lors de son dernier repas. Et il pointe vers le chapitre 17 de l’évangile, que l’on appelle le discours sacerdotal. Je vous avis dit, la gloire, c’est une histoire de prêtre.
Jésus demande à être glorifié par Dieu « de la gloire qu’il avait avant la création du monde ».
Jean 17 5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde.
Ici, il n’est pas question d’opinion. Avant la fondation du monde, personne ne rend gloire au Verbe éternel. A ce moment, sa gloire, c’est son poids, c’est sa divinité.
On comprend que pour Grégoire le Grnnd, la gloire de Dieu, c’est sa nature divine.
1.3 La gloire de Dieu, pour nous
La longue prière de Jésus dans le chapitre 17 se termine par une demande : que nous soyons avec Jésus pour voir sa gloire.
Il est là pour résoudre le paradoxe de la gloire de Dieu : on ne peut voir Dieu et vivre nous dit l’Exode, et pourtant, c’est de le voir qui donne la vie. En s’incarnant, le Verbe de Dieu se fait homme, il se fait visible. C’est ce que dit le prologue de Jean : « nul n’a vu Dieu », mais « nous avons vu sa gloire ».
Cela vous rappelle sûrement l’adage de saint Iréné : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant et la vie de Dieu c’est de voir Dieu. » C’est dans son vaste traité contre les hérésies, eu livre 4, dans lequel il s’oppose aux gnostiques qui ne reconnaissent pas l’Ancien Testament. Iréné démontre que le Verbe de Dieu a toujours été là quand Dieu s’est révélé.
Non seulement, Dieu nous montre sa gloire, mais en plus, en Jésus, il nous la communique. Jésus affirme dans sa prière « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17, 22). Oui, nous voulons voir Dieu, nous désirons la vie, nous voulons la gloire de Dieu.
La vie divine qui circule entre le Père, le Fils et l’Esprit, elle nous est aussi donnée d’une autre manière. La gloire de Dieu, c’est une affaire intime à Dieu, une affaire théologique ou intra-trinitaire. Mais c’est aussi une affaire pour nous, une affaire économique dira Irénée, une affaire de circulation de la vie divine.
1.4 La nouveauté
Alors quand Jésus dit ça, il n’est pas dans une chaire d’Université, il est avec ses amis, le complot contre lui a pris de l’empileur, son ami qui le trahira vient de quitter la salle, il va bientôt mourir. C’est sur la croix, au tombeau vide et lors de son départ à l’Ascension qu’il sera glorifié.
Aujourd’hui, il prononce un discours d’adieu, un testament spirituel, un éloge de Dieu et quelques recommandations.
Il nous donne un commandement nouveau. Enfin c’est ce qu’il dit. Parce qu’à priori son commandement, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. », c’est déjà dans le Lévitique (19, 18), donc ce n’est pas nouveau.
Cette contradiction a beaucoup fait réfléchir les Pères.
Pour Chrysostome, ce qui est nouveau, c’est le « comme moi même ». Dans le lévitique, Dieu rajoute juste « Je suis le Seigneur » à cet endroit. Quand Dieu dit qu’il est Dieu, Jésus dit qu’il nous aime. Par son amour, Jésus nous communique sa gloire et sa vie.
Pour Augustin, ce n’est pas le commandement qui est nouveau, c’est l’effet qu’il fait en nous à chaque fois que nous l’entendons. A chaque fois que nous aimons nos frères, nous sommes renouvelés. Il y a un nouveau départ. Le commandement nouveau de l’amour, c’est celui qui renouvelle.
Oui, non seulement, nous voulons la gloire de Dieu, mais nous voulons aussi la nouveauté. Nous voulons la Nouvelle Jérusalem, la Cité céleste. Et quand nous aimons, nous avons les deux, nous communiquons la gloire et nous renouvelons le monde.
En ce début de discours d’adieu, une sorte de discours d’Ascension, Jésus nous dit qu’il va partir, mais nous dit comment il continuera d’être présent, par l’amour réciproque.