Marathon de Paris et…. Résurrection

Homélie du frère Jean-Baptiste Rendu – Dimanche de Pâques 2025

Dimanche dernier c’était – vous le savez certainement – le marathon de
Paris : 56 949 participants se sont élances sur un parcours de 42,195 km
à travers les rues de notre belle et chère capitale.
Parmi nos coureurs, un Français de 30 ans s’est lancé un défi loufoque :
au lieu d’endosser une tenue sportive adéquate pour la circonstance (un
short et un tee shirt) il a préféré un costume trois pièces … !
Son objectif ? Battre le record du monde du marathon en costard :
2h40’52, chrono détenu depuis 2023. Ce record reste à battre puisque
car marathonien de dimanche dernier a échoué de dix petites minutes.
Dommage, mais chapeau !
Mais pourquoi un tel défi ? Outre l’ambition d’entrer dans le Guinness
des records, il a voulu – dit-il – dénoncer cette société ou il faut tout
réussir très vite : une société où l’on vit à 1000 à l’heure, sans avoir
vraiment le temps de se changer. Une société où l’on court tout le temps
pour réussir sa carrière, sa vie familiale, sa vie sociale, sa vie chrétienne
(puisque vous êtes là ce matin), ses hobbies, et j’en passe.
Bref, comme l’analyse d’ailleurs très bien un philosophe et sociologue
allemand, l’expérience majeure de notre modernité est celle de
l’accélération. Un phénomène qui nous oblige, si nous voulons rester
dans la course, à devenir des marathoniens « malgré-nous » !
Marathoniens « malgré eux », ce sont aussi les trois personnages de
notre évangile. Vous l’avez entendu, la journée commence à peine qu’ils
sont déjà en train de courir dans tous les sens !
 Marie-Madeleine court, dès l’aube, pour prévenir les disciples que
la pierre est enlevée du tombeau.
 Pierre et « l’autre disciple », se mettent eux aussi à courir.
Et visiblement, Jean est plus rapide, il arrive le premier ! (On
regrette presque que l’évangéliste n’ait pris les chronos.).
On imagine presque la scène façon caméra embarquée : ça sprinte, ça
dépasse, ça souffle fort, ça s’essouffle.

Dimanche de Pâques (C) Couvent de St Thomas d’Aquin (Lille)
20 avril 2025
Et si tout ce mouvement, cette accélération, disait quelque chose
d’essentiel ?
Parce que l’Évangile de ce matin déborde de verbes d’action. J’ai compté
pour vous : 15 verbes qui claquent comme des coups de starter. Une
dynamique folle. Une urgence. Mais pourquoi ? Pourquoi une telle
agitation ? Pourquoi un tel empressement de la part de Marie-Madeleine
et de nos deux apôtres ?
Formellement c’est qu’il s’est passé « quelque chose » d’étrange,
d’incompréhensible dans ce tombeau dans lequel on avait déposé – là
encore précipitamment – le corps mort de Jésus.
Factuellement pour Marie-Madeleine, c’est clair : la pierre a été
bougée. Quelqu’un est donc entré dans le tombeau. Panique !
A-t-on volé le corps de Jésus ? Est-ce que quelqu’un a osé (oh scandale)
faire les soins mortuaires à sa place ? Vite, il faut prévenir les copains !
Pour les apôtres, c’est cette info alarmante qui les met en
mouvement. Il faut aller voir. Vérifier. Comprendre. Rassurer peut-être.
Bref, ils foncent.
Mais tout cela est profondément humain : la peur, l’urgence,
l’incompréhension. Et pourtant, c’est là que Dieu commence son œuvre.
Comme le dit un théologien bien connu de nos services : « la grâce ne
supprime pas la nature ». Aussi quand Dieu donne sa grâce (et dans
notre cas il fait grâce à nos amis d’être les premiers témoins de sa
Pâque), il ne détruit pas nos tempéraments, nos réactions, notre
personnalité.
Il passe par eux … il s’appuie sur notre humanité pour faire jaillir la vie.
Aussi, si Marie-Madeleine se met à courir, c’est qu’elle atteinte de cette
fameuse « maladie d’amour ». Oui c’est parce qu’elle est amoureuse. De
Jésus. D’un amour passionnel, vrai et brûlant, au risque d’ailleurs d’une
exclusivité : C’est son jésus et elle l’aime « de tout l’élan de son être »
Alors quand elle ne le trouve plus, elle fonce. Parce que l’amour fait
courir : « elle court, elle court la maladie d’amour ». Mais voilà que cet
amour doit-être être purifié, transformé.

Dimanche de Pâques (C) Couvent de St Thomas d’Aquin (Lille)
20 avril 2025
Ce tombeau vide est alors une invitation à le chercher ailleurs : à le
chercher, Lui le Seigneur, le Vivant, le Ressuscité dans la communauté et
le visage de ses frères réunis en son nom CAR c’est là qu’il veut
désormais être trouvé : « quand deux ou trois seront réunis en mon nom
je serai là au milieu d’eux ».
Oui, frères et sœurs, c’est là que le Ressuscité veut séjourner : non
parmi les morts dans un tombeau vide, mais au cœur (ça c’est le
mystère de l’Église) et dans les cœurs (ça c’est le mystère de la vie
spirituelle) de ceux qui confessent son Nom !
En ressuscitant le Seigneur veut habiter les cœurs. Les cœurs de ceux
qui, même cabossés par la vie, croient encore, espèrent encore, aiment
encore.
Et justement, ces apôtres-là, ils en sont là. Tristes, désabusés, peut-être
même un peu fâchés les uns contre les autres, au bord de la rupture, de
la séparation n’ayant plus vraiment de raison d’être ensemble. Et
pourtant, ils courent… ils courent ensemble. Et là, miracle : Jean, bien
qu’arrivant le premier, n’entre pas tout de suite dans le tombeau. Il
attend… Il attend Pierre. Un détail… mais un grand renversement. Pas
de jalousie. Pas de compétition. Une fraternité retrouvée.
C’est ça, aussi, la résurrection. Pas juste un corps d’homme qui revient à
la vie. Mais une humanité, un corps social qui se relève ensemble.
Qui court ensemble. Qui choisit l’amour fraternel plutôt que la rivalité.
Et nous, dans tout ça ? Eh bien, marathonien malgré nous nous sommes
tous dans la course. Une course parfois folle, épuisante, confuse. Mais la
bonne nouvelle de Pâques, c’est que le Ressuscité court avec nous,
parce qu’il vit en nous ! Ainsi, en ce jour de Pâque, en communion avec
tous les nouveaux baptisés (et ils sont très nombreux en France) le
Seigneur nous invite à revêtir non pas un costume trois pièces, mais lui-
même.
Alors en ce jour de Pâques, laissons-nous renouveler par la grâce de
notre baptême.
Repartons dans la course, pas seuls, mais ensemble et avec le
Christ pour participer de sa Victoire.
Et courons non pour fuir, mais pour aimer.
Bonne course, frères et sœurs… et joyeuses Pâques !

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