Dimanche 5 janvier 2020 – frère Maurice Billet
Deux évangélistes racontent l’enfance de Jésus. Nous connaissons le récit de Luc, avec la naissance de Jésus et l’annonce aux bergers, aux pauvres parmi les pauvres. Ils sont les premiers à recevoir la bonne nouvelle de la venue du sauveur parmi les hommes. Le récit de Matthieu que nous venons de lire relate la venue des mages, des étrangers, des païens, à Bethléem, guidés par une étoile, à la maison où se trouvaient Jésus, sa mère. N’oublions pas Joseph, qui était dans son village natal, Bethléem, car il était de la maison de David. Et donc, Jésus était aussi de la descendance de David. Ainsi s’accomplissait la prophétie, faite plusieurs siècles avant par Balaam, un prophète païen : « Une étoile se lève, issue de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël ».
Eux aussi, les mages, des païens, ont été les premiers à rendre hommage à l’enfant Jésus. Ils étaient des savants qui scrutaient le ciel. Ils ont vu une étoile. Ils l’ont suivie et arrivent à Jérusalem. Pour déchiffrer leur route, il leur faut apprendre à lire dans deux livres. Celui de la création, ils scrutent les astres, et le livre de la Bible, dans lequel ils scrutent les Écritures. Être à l’écoute du monde, là où la parole de Dieu est présente. Ils entrent dans la course aux étoiles.
Selon un document arménien du 6e siècle, les mages sont décrits avec plus de détails, légendaires. Ils sont rois. Gaspard régnait sur l’Arabie. Melchior sur la Perse. Baltassar sur les Indes.
Où est le roi des Juifs ? C’est la question des mages. Elle inquiète beaucoup Hérode, déclaré roi des Juifs par le Sénat romain, et aussi les chefs des prêtres et les scribes. Ces derniers, spécialistes, ont pu renseigner les mages. Ils n’ont pas bougé, enfermés qu’ils étaient dans leur palais et leur bonne conscience. Les mages sont des voyageurs de l’espérance.
Qui est le roi des Juifs ? La véritable réponse à la question des mages se trouve sur la croix, écrite en trois langues, « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs. » Le messie apparaît au milieu des humbles.
Les mages sont des veilleurs. Ils se mettent debout. Ils se déplacent. L’étoile les précédait, elle marchait devant. C’est dans la nuit que l’étoile est visible. Les mages se déplacent comme Abraham. L’histoire a un sens, c’est-à-dire qu’elle a une signification, qu’elle a une direction, une orientation. Dieu retourne les évidences.
Les mages ont dû être déconcertés ; ils se retrouvent dans un humble foyer, à Bethléem. Nul ne peut entrer dans le royaume s’il ne devient un enfant. Dieu bouscule nos évidences. Quand vient l’enfant de la crèche, Dieu manifeste la priorité aux plus pauvres, aux bergers. Jésus, adulte, donne la priorité à cet homme lépreux qu’il va toucher en dépit de la loi, ou à cette femme pécheresse qu’il va pardonner en dépit de ses condamnations. Quand Jésus, roi des Juifs, meurt sur la croix, il donne la priorité à ce bandit attaché à ses côtés et qui lance le oui du dernier instant.
Dieu est vraiment étrange, il est le serviteur du plus faible, quelle que soit sa faiblesse, car il affronte l’épreuve de l’amour véritable. Il nous propose une voie, sans rien imposer. Il nous faut le suivre comme nous le pouvons.
L’étoile que les mages ont suivie est devenue pour eux le visage et le regard d’un petit enfant. Dieu se rend visible, sans provoquer la mort, mais pour communiquer la vie. Ils virent l’enfant avec Marie sa mère. Et ce n’était pas dans un palais.
« Dieu a tellement pris la dernière place que personne désormais ne pourra la lui ravir. » Parole de l’abbé Huvelin à Charles de Foucauld.
Dieu retourne les évidences. Relisons quelques versets du psaume que nous avons chanté : « Dieu délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. » La 2e lecture tirée des Éphésiens : « Frères le mystère révélé, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus ». C’est la mondialisation made in Dieu, made in God. Nous devenons des gens du voyage. L’Épiphanie nous invite à être solidaires d’une mondialisation divine.
Les dons. L’or est offert. Les dons reçus doivent être partagés. Ce que nous avons vient du Seigneur. L’or est inaltérable, mais il peut polluer les cœurs. Notre richesse est l’amour indéfectible du Seigneur, comme sa patience. Dieu ne peut pas se renier. L’or, est une forme du pouvoir, comme de service.
L’encens ne relève pas de nécessités économiques. Il relève des gestes de respect. Il est aussi nécessaire que l’argent. Nous en avons besoin. Reconnaître la dignité d’un homme, quelle que soit son origine. L’encens représente la gratuité dans notre vie. Il symbolise la prière, qui est le plus beau des présents. Celui de la disponibilité de l’homme qui donne à Dieu ce qu’il a de plus précieux : son temps. L’encens est une marque de respect.
La myrrhe embaume les défunts, elle affirme la croyance en la survie. Le corps est le temple de l’Esprit. Nous sommes responsables de notre corps. Il s’agit d’habiter notre corps, de tenir son corps, d’être son corps. Le corps est ce qui nous permet de communiquer avec autrui. Quand nous recevons le corps du Christ, il nous transforme en ce qu’il est.
Nous avons à passer par Jérusalem, dont le nom signifie « vision de paix », pour la rencontre à Bethléem, qui signifie « maison du pain ». C’est ce que nous faisons, en ce moment, dans notre célébration.
Ils prennent un autre chemin, ils sont déroutés ; c’est la conversion. Ce qui est païen en nous sera converti. « Que ta volonté soit faite ». Le Christ est présent là où ça fait mal, là où notre cœur est malade, fragile, hésitant. La guérison n’est possible que si nous nous remuons. Il faut agir, faire un pas. L’étoile nous guidera là où le Seigneur veut nous amener. Il est au cœur de nos affrontements, de nos misères, de nos faiblesses, comme de nos joies.
L’étoile d’aujourd’hui, de maintenant, Jésus nous la précise : quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Tout visage humain est une étoile. « Retiens l’étranger, si tu veux reconnaître le Seigneur » dit saint Augustin. C’est souvent l’étranger, notre prochain qui nous révèle ce que nous sommes.
En ce début d’année 2020, souhaitons-nous bonne route, dans la paix, la justice, la solidarité et le partage. Le Seigneur, Emmanuel, est toujours avec nous, au plus profond du cœur de l’Église et de nous-mêmes. Saint Paul nous dit : « Vous êtes l’unique corps du Christ, vous êtes membres des uns et des autres ».