Homélie du frère Maurice Billet
Beaucoup de paraboles parlent du Royaume de Dieu, dans les évangiles. Ce matin, nous avons deux courtes paraboles qui parlent de culture agricole. Et cela, en écho avec la première lecture tirée d’Ézéchiel. Et aussi le psaume. On parle de cèdre, de palmier, de blé. De moutarde (sénevé), plante potagère ; tout est comestible sur cette plante.
Dès le chapitre 2 de la Genèse, le Seigneur est présenté comme un horticulteur attentif : il plante un jardin afin que l’homme qu’il vient de créer soit placé dans un lieu accueillant, il y fait germer toutes sortes d’arbres. Le maître des semences, c’est Dieu dans la Bible.
LES PLANTES
Parlons des plantes. Des articles scientifiques nous disent que les plantes sont plus intelligentes que les animaux. Un numéro récent de Télérama avait comme titre sur la page de couverture la question suivante : « À quoi rêvent les plantes ? »
Nous lisons dans les psaumes que « les arbres de dansent de joie ».
Que ferions-nous sans les plantes ?
Toute l’énergie fossile vient des arbres : le pétrole, c’est des arbres. Et puis les arbres nous donnent l’oxygène, absorbent la pollution. On détruit des forêts pour cultiver des arbres qui fourniront de quoi produire du carburant, comme les palmiers.
La Bible abonde d’événements où il est question d’arbres.
L’arche de Noé ne contenait que les animaux. Il n’y avait pas d’arbres. Pourtant l’arche a été construite en bois.
Dieu se révèle dans le buisson ardent.
Jésus, fils de Joseph, était charpentier.
La croix était en bois, arbre de vie, symbole de la mort et de la résurrection de Jésus.
Notre alimentation dépend presqu’exclusivement de produits végétaux.
Il y a une relation dynamique entre la terre et la semence. Il y a une alchimie entre la terre, l’air, et la plante. Pas le béton. On végétalise les murs et les immeubles en ville.
La pollution tue les arbres : en Afrique, des baobabs vieux de 2500 ans sont en train de mourir.
Heureusement pour les oiseaux de la deuxième parabole de l’évangile d’aujourd’hui. La graine n’a pas été mangée. Heureusement, car l’arbre n’existerait pas et les oiseaux ne pourraient pas y faire de demeure.
LE TEMPS
Dans les paraboles de ce jour, il y a une réalité dont il n’est pas question, mais qui est fondamentale : le Temps. La végétation nous apprend à prendre son temps.
Savoir se mettre au pas du temps. Durer, endurer, patienter, laisser mûrir, croître. Savoir végéter (non pas vivoter), mais savoir trouver et prendre nos propres racines. Savoir attendre dans la confiance, l’espérance. Respecter nos propres rythmes, selon ce que nous sommes, et aussi nos différences d’âges. C’est ce que nous dit saint Paul. Rythme de la nature.
L’instauration du royaume de Dieu respecte le temps de réception et de maturation nécessaire avant de parler de récolte.
FÊTE DES PÈRES
Un jour, j’ai lu un article. Un jeune avocat brillant y était interviewé. Le journaliste lui demanda les causes de sa personnalité. Il répondit en expliquant qu’enfant, son père lui fit un étrange cadeau pour son huitième anniversaire. Il reçut une simple enveloppe où son père lui avait écrit en guise de cadeau ceci : « Dorénavant je passerai une heure par jour avec toi, c’est mon cadeau ». Et chaque jour ce père tenant promesse, passait une heure avec son fils. L’année suivante, il renouvela son cadeau et ainsi de suite. C’est alors que cet avocat regarda droit dans les yeux le journaliste et lui dit : « Voilà la raison de mon succès, c’est parce que mon père a pris le temps de semer dans ma vie ».
LES PARABOLES
La première parabole insiste sur la puissance même de Dieu, mystérieuse, irrésistible, qui fait naître et se développer son Règne sans que l’homme y soit pour quelque chose. Et « il ne sait » pas même comment Dieu mène à bien son entreprise.
Dieu agit souvent dans « le bruissement d’un souffle léger ». C’est ainsi que le prophète Elie perçoit la manifestation divine (1R 19, 12).
La seconde parabole souligne la différence entre l’apparente petitesse de ce qui est semé, une Parole donnée par un homme simple, « fils de charpentier », « doux et humble de cœur » (Mt 13,55 ; 11,29), et la grandeur exceptionnelle du fruit qu’elle portera… Deux mille ans après, un homme sur trois est chrétien.
Le Royaume de Dieu apparaît, tantôt, comme un don à recevoir, tantôt comme une réalité à construire. Jésus déclare qu’il est déjà présent, mais aussi encore à venir. Impossible de l’observer. Et pourtant il oriente la prière du Christ et toutes ses décisions.
Le règne de Dieu, c’est comme un jardin à soigner, dans lequel il convient de travailler chaque jour. Semer sans trop savoir ce que la graine va donner, arroser chaque jour sans rien voir pousser pendant plusieurs semaines, oser arracher les mauvais plants, couper pour que les jeunes pousses prennent leur élan, puis chaque jour récolter, sarcler, de nouveau arroser. Puis cuisiner et enfin goûter ces bonnes saveurs que la terre, après de longs mois, nous a données.
CONCLUSION
Le règne de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en action. (1Cor 4, 20).
Acceptons de n’être qu’un simple semeur, semeur d’idée, semeur de rêve, semeur d’action, et laissons faire Dieu. Acceptons de n’être que « de simples serviteurs » qui font simplement et fidèlement leur devoir.
Oui, vous récolterez toujours plus que ce que vous avez semé. Plus vous semez et plus vous récolterez. Et vous récolterez là où vous avez semé.
S’inspirant de saint Augustin, nous pouvons dire à chacun d’entre nous : « deviens ce que tu es », ce pour quoi tu as vocation, deviens l’épi gonflé ou la plante aux grandes branches dans le rêve de Dieu pour toi. Deviens artisan de bonheur, de justice et de paix.
Fr. Maurice Billet