Homélie du frère Thomas-Marie Gillet – Lundi 11 mai 2020
Bienheureux Ceferino Namuncurá
Fils d’un légendaire chef mapuche, Ceferino Namuncurá (1886-1905) meurt à 18ans alors qu’il voulait « être salésien et prêtre pour montrer le chemin vers le ciel à ses frères mapuches » (cf. Benoît XVI, Angélus du 11 novembre 2007). Natif de Chimpay, en Patagonie argentine, Ceferino est baptisé à l’âge de deux ans par un missionnaire salésien de don Bosco. Son père, le gran cacique, l’inscrit à 11 ans à l’école gouvernementale de Buenos Aires, voulant en faire un futur défenseur de son peuple. Mais Ceferino se plaît à l’école de don Bosco et Dominique Savio est son modèle. Pendant cinq ans, il fait énormément d’efforts pour intégrer une culture entièrement nouvelle, apprenant même le latin. Aspirant salésien, il part pour Rome, tant pour étudier qu’en raison du climat favorable. Malheureusement deux ans après son arrivée, il est emporté par la tuberculose.
Un évêque chilien témoigne : « Ceferino offre une belle synthèse humaine et spirituelle rarement observée : fidèle à la fois à ses habitudes ancestrales et également fidèle à la religion dans laquelle il a été baptisé. […] Ceferino est un pur reflet et un fruit des valeurs de nos peuples d’origine que l’Église apprécie et encourage, des valeurs que nous méprisons pourtant souvent dans la cohabitation quotidienne. Des préjudices et des discriminations comme celles qu’il affronta à son époque, continuent déplorablement à endommager aujourd’hui les indigènes et leurs communautés, principalement dans les processus migratoires internes. C’est pourquoi en ces temps d’intolérance et de peu de dialogue, la vie de Ceferino éloignée du ressentiment, nous enthousiasme par sa valeur du respect des personnes et par son attitude de pardonner ceux qui nous offensent ».
J’ai fait le compte, dans cette demi-douzaine de versets de l’évangile selon saint Jean, dans son enseignement, le Christ emploie sept fois le verbe aimer, « αγαπεϊν », l’amour profond, divin, relationnel, de charité. Nous ne sommes pas dans un extrait de l’Histoire d’une âme de sainte Thérèse ou du Dialogue de sainte Catherine, c’est bien la parole de Dieu qui nous est ici adressée. Il suffit de nous souvenir pour comprendre que « Dieu est amour » (1 Jn. 4, 8b). Cet amour divin est avant tout personnel : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui.» (v. 14, 21). Et l’apôtre Jude de s’interroger, et nous avec lui : « Seigneur, que se passe-t-il ? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ? » (v. 22). Le peuple attend le Messie-Sauveur, celui qui libèrera Israël, et voilà que Jésus nous parle d’un salut individuel ou réservé à un petit groupe d’initiés… Et il en a été ainsi en effet de Pâques à l’Ascension : Jésus ressuscité se manifeste aux seuls disciples. Pas de trompettes glorieuses ou de big buzz médiatique pour marquer l’événement extraordinaire.
Alors comment sauver le monde ? Comment le Christ se manifeste à tous les peuples ? Et bien c’est à nous que revient cette tâche. Recevant les commandements et la Parole de Dieu, les gardant, travaillant à notre propre conversion, nous sommes chargés d’évangéliser. L’amour de Dieu pour nous nous amène à être apôtres : faire connaître le Christ, partager la Parole avec celles des brebis qui ne sont pas encore de l’enclos du Bon Pasteur. Nous veillons à notre conversion personnelle pour que le monde accueille l’amour de Dieu et qu’il change.
Je pense à l’exemple d’un jeune bienheureux argentin, Ceferino Namuncurá, dont l’Église nous invite à faire mémoire aujourd’hui. Ceferino était un jeune indien mapuche. Sans renier son identité indigène il accepta ce que l’« autre monde » lui offrait pour sa formation humaine et spirituelle. Souhaitant devenir religieux à la suite de Don Bosco, il voulait être tout à Dieu en laissant jaillir sa vocation missionnaire pour témoigner du Christ au milieu de son peuple. Il disait : « je veux être utile à mon peuple, je veux être prêtre et missionnaire ». Mais comme pour Thérèse ou Dominique, Ceferino sera finalement plus utile à son peuple au Ciel : étudiant salésien à Rome, il meurt de la tuberculose le 11 mai 1905 à l’âge de 18 ans.
Méditant la Parole, communiant au Corps et au Sang du Christ, reprenons force pour continuer instamment à faire habiter Dieu dans nos coeurs, reprenons force pour continuer à partager avec le plus grand nombre ce don de l’amour divin.
Amen.