Homélie du frère Nicolas Burle – Dimanche 6 septembre 2020
On nous le répète sur tous les tons. C’est la rentrée. Même s’il existe une certaine inquiétude cette année, une certaine incertitude, une nouvelle année s’ouvre devant nous. Qu’est-ce qui fera de cette année, une année réussie ? Si nous nous revoyons dans un an, que diriez-vous ? Quel objectif aurez-vous atteint ? Peut-être avez-vous déjà des projets, des idées, des résolutions ? Apprendre une nouvelle langue, continuer votre service actuel ou prendre un nouvel engagement, maigrir après le confinement et les vacances, étudier plus régulièrement, se mettre au ukulélé, enfin prier tous les jours, pourquoi pas ? Panel non exhaustif des résolutions que j’ai entendues ces derniers jours.
Tout cela est très bon. Très intéressant. Mais il existe simplement un petit risque. Celui d’oublier de demander à Dieu son avis. Que veut Dieu pour nous cette année ? Même un nouvel engagement à servir, même la prière courent le risque d’être centrés sur nous-mêmes au lieu d’être tournés vers Dieu. Nous avons peut-être de très bonnes idées pour cette année. Et le Seigneur ne veut pas du tout nous freiner dans notre générosité. Seulement il a un projet pour nous. Plus grand, plus ambitieux et plus simple que tout ce que nous aurions pu imaginer. Dieu nous propose de réussir notre année en obtenant la conversion de notre prochain ! Car c’est la seule bonne résolution d’année qui peut changer notre cœur et celui de notre prochain. Toutes les autres résolutions restent extérieures. Or c’est le cœur qui doit changer. C’est au cœur que cela doit changer.
« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. » Dans la vie religieuse, nous appelons cela la correction fraternelle. Même si nous avons le sentiment d’entendre davantage le mot correction que le mot fraternel dans cette expression… Le but est bien de gagner un frère. D’ailleurs, le Seigneur nous connaît bien. Il nous demande d’aller voir le frère qui a commis un péché contre nous. Bien évidemment, ce n’est jamais nous qui péchons contre notre frère… C’est toujours lui. Alors au lieu d’en parler à la terre entière, sauf à notre frère, le Seigneur nous demande d’exercer une grande vertu chrétienne, trop souvent délaissée : le courage. « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. »
Il nous demande même de faire preuve de persévérance. D’y retourner avec d’autres pour essayer une fois de plus de changer son cœur. Pourtant, là aussi, ce n’est pas notre habitude. Nous nous gardons bien souvent à distance : « Je ne pardonnerai que s’il me demande pardon. » Nous nous posons alors en victime, statut confortable et socialement très reconnu, et participons à la destruction de la relation. Le Seigneur nous demande aujourd’hui de lutter contre la tentation mortifère de bouder.
Peut-être semble-t-il trop difficile de pardonner, parce que notre mémoire est blessée ? Mais l’oubli n’est pas la condition du pardon. Au contraire je reconnais que tu m’as fait du mal, que le passé est blessé, mais je choisis de me libérer de la haine et de la rancune et de faire à nouveau confiance. Si nous ne pardonnons pas, c’est la haine qui aura le dernier mot dans notre histoire. Pour se réconcilier, il faut bien entendu être deux. Je ne peux pas obliger l’autre à se réconcilier. C’est sa liberté. En revanche, pardonner ou demander pardon ne dépend que de moi, de ma volonté. C’est ma responsabilité, ma liberté, ma souveraineté.
Notre année sera réussie, si nous pratiquons la miséricorde envers notre prochain. Si nous avons pour notre prochain la même patience qu’a Dieu envers nous. Cela ne signifie pas trouver des circonstances atténuantes pour excuser le mal, mais au contraire reconnaître le mal, le nommer et pardonner, c’est à dire tout délier sur terre pour que tout soit délié dans le ciel. Cela signifie aussi que dans certaines situations, il faudra mettre un terme à des relations qui ne conduisent pas à la conversion. L’évangile est réaliste car il prend en compte aussi l’échec de nos tentatives de réconciliation.
L’évangile nous montre enfin pourquoi nous avons intérêt à essayer de nous réconcilier ensemble. Nous avons entendu ce verset célèbre : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » Aujourd’hui, nous avons la clef pour comprendre. Seuls deux frères réconciliés, seuls deux frères qui se sont mis d’accord entre eux peuvent adresser une prière juste à Dieu. C’est-à-dire une prière qui sera exaucée. Peut-être avons-nous le sentiment que nos prières ne sont pas exaucées ? Alors regardons du côté des pardons que nous n’avons pas donnés ou que nous n’avons pas demandés. Tout cela nous lie à la terre et nous empêche de nous tourner vers le Ciel. Réconcilions-nous et nous serons exaucés. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons…
C’est pourquoi notre année sera réussie, si nous pratiquons le sacrement de miséricorde. Bien souvent, nous avons peur d’aller nous confesser. Mais le Pape François, lui-même, avoue qu’il a parfois peur juste avant d’y aller. Donc la peur n’est pas une raison suffisante pour ne pas y aller. Demandons la grâce du courage. Beaucoup aussi affirment qu’ils gèrent le pardon en direct avec Dieu. Pourquoi aller voir un prêtre pour cela ? Bien entendu quand nous demandons pardon à Dieu, il nous fait miséricorde. C’est son plus grand désir. Mais dans la confession, nous en sommes sûrs : nous entendons « je te pardonne tous tes péchés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » De plus, se confesser nous rappelle ce que signifie être catholique : nous avons besoin les uns des autres. Vous ne vous êtes pas baptisés vous-mêmes, quelqu’un d’autre a versé de l’eau sur votre tête. Vous n’allez pas prendre vous-mêmes l’hostie dans le ciboire tout à l’heure, quelqu’un d’autre va vous servir. De même, vous ne pouvez pas vous pardonner à vous-mêmes. Le Seigneur veut que nous ayons besoin les uns des autres pour cela. Même les prêtres se confessent et ne peuvent se pardonner à eux-mêmes dans la glace. Nous avons besoin les uns des autres pour délier les péchés sur terre. Pour information, il est possible de se confesser tous les jours de 15h à 18h à l’église saint-Maurice près de la gare. Au couvent, il suffit de prendre rendez-vous avec un frère à la fin de la messe.
Que Dieu notre Père nous montre sa miséricorde. Par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec Lui et il a envoyé l’Esprit pour la rémission des péchés. Par le ministère de l’Église qu’il nous donne le pardon et la paix. Amen.