Creuser un cœur en forme de berceau

Homélie du frère Franck Guyen – Dimanche 29 novembre 2020

Chers amis, aujourd’hui, alors que nous entrons dans l’Avent, le Christ nous adresse un avertissement pressant : « prenez garde, veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure où le maitre de maison viendra ».

Oui, mais comment veiller tout le temps pour ne pas être pris à l’improviste ? Et veiller sur quoi d’abord ?

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Un exemple. Cela se passait pendant le pèlerinage du Rosaire, à Lourdes avant la pandémie du coronavirus –  il y a des milliards d’années.

J’avais organisé pour les pèlerins malades et handicapés de la région d’Isle-de-France une procession du Saint sacrement pendant le soir. C’était la première fois que nous faisions cela et l’organisation étant ce qu’elle était, personne n’était au courant  de ma venue quand je suis arrivé avec l’ostensoir : le Seigneur est vraiment arrivé à l’improviste à ce moment-là.

Son arrivée a saisi les bénévoles qui assuraient la garde de nuit. Ils se sont tus, ils se sont signés, ils se sont agenouillés. Et la procession s’est formée spontanément.

Ceux qui assuraient la garde de nuit veillaient sur le sommeil des pèlerins malades et handicapés. Chacun à sa place, l’un médecin, l’autre infirmier, l’autre brancardier, l’autre encore hospitalière.

Nous avons une réponse à la question : « veiller sur quoi ? ».

Peut-être qu’il s’agit de veiller sur la maison que le Christ nous a confiée, la maison Église. Veiller là où Dieu nous a placés, laïc en famille, prêtre en sa paroisse, religieux dans sa communauté. Et le pape qui porte le souci de toutes les Églises, comme le portier de l’Évangile. Veiller sur nos frères dans la foi qui nous ont été donnés – non, confiés.

Et il y a peut-être une autre maison sur laquelle l’Église doit veiller, avec d’autres : veiller sur la maison monde : veiller sur nos frères et sœurs en humanité, veiller sur nos frères créés comme nous, les animaux, la mer, la terre, le ciel, le soleil, la lune et les étoiles. Veiller à ce que la création puisse exprimer toute la beauté et la bonté que Dieu a mises en elle.

Veiller sur la réalité créée qui nous a été donnée – non, confiée.

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Revenons à notre procession spontanée.

Nous allions de chambre en chambre, un des brancardiers tapait doucement à la porte puis l’ouvrait et j’entrais avec le Saint sacrement. Quand les pèlerins étaient encore réveillés, tout surpris ils ouvraient de grands yeux, ils disaient : « c’est le Seigneur » puis ils se signaient.

Je lisais alors le passage suivant de l’Évangile : « La femme se disait : ‘Si j’arrive à le toucher, je serai sauvée’. Elle s’approcha de Jésus et toucha la frange de son manteau. Aussitôt, sa perte de sang s’arrêta et elle fut guérie de son mal ».

Après la lecture, je passais entre les lits en silence et ceux qui le voulaient pouvaient toucher ou embrasser le plus souvent l’ostensoir. Il régnait alors un grand silence recueilli dans la chambre.

D’autres chambres étaient dans l’obscurité, avec leurs occupants endormis. Alors, je restais sur le seuil, sans rien dire, et je les bénissais en dessinant dans l’air un grand signe de croix avec l’ostensoir. Puis nous partions en refermant la porte doucement.

De la douceur, il y en eut beaucoup tout au long de la procession.

Et voilà une réponse possible à la seconde question « comment veiller tout le temps ? ».

Mes amis, est-ce que les pèlerins qui dormaient ne veillaient pas ?

À mon avis, quand Jésus parle de veiller, il ne s’agit pas de veiller avec les yeux de la chair mais ceux du cœur. Et pas de n’importe quel cœur. Un cœur qui palpite, un cœur qui aime. Alors on peut veiller tout en dormant. 

Un cœur qui aime comme son cœur à Elle, dans le Cantique des Cantiques : «  Je dors, mais mon cœur veille. » Les yeux du corps peuvent se fermer, les yeux du cœur sont toujours ouverts, à espérer la venue du Bien aimé. 

« Je dors, mais mon cœur veille. C’est la voix de mon bien-aimé !

Il frappe : ‘Ouvre moi, ma sœur, mon amie, mon immaculée ; car ma tête est couverte de rosée ; les boucles de mes cheveux sont trempées des gouttes de la nuit. ” [1].

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Ma conclusion.

Veiller en creusant dans son cœur l’attente de Dieu, en creusant l’attention à l’œuvre de Dieu. Comme quelqu’un qui creuse une pièce de bois tendre pour que, dans ce creux, un bébé puisse s’y reposer après avoir traverser les eaux qui mènent au monde des hommes.

Veiller, ce serait cela ? Creuser un cœur – en forme de berceau ?

Amen.

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