Homélie du frère Yves Habert – Vigile pascale 11 avril 2020
Jeudi soir, face à un avenir bouché, j’ai essayé de trouver des raisons d’espérer, des sources de confiance en parlant de l’héroïsme des humbles et de la signification du lavement des pieds, hier le frère Nicolas Burle nous a partagé une très belle méditation sur la Croix. En cette nuit très sainte, je me demande s’il n’y a pas quelque chose à tirer de cette expérience radicale de l’épidémie. Quelque chose ou rien ? Rien difficile, nous sommes trop marqués. Y aurait-il une parole de Dieu à détecter, décoder, découvrir dans cette pandémie ?
L’homme moderne qui se croit tout-puissant s’autoproclame maître absolu de la vie et de la mort. Cette pandémie frappe l’humanité comme un électro-choc. Un virus, invisible à l’œil nu, un des plus petits organismes vivants apparaît soudainement et nous sommes démunis, fragiles, confinés… Un petit virus et tout le système politique, économique, social, à terre et à l’échelle mondiale.
Est-ce qu’à l’occasion de cette épidémie l’homme n’en sortirait pas plus vivant ? J’en fais le pari.
L’homme « d’avant » semblait n’avoir pour principal souci que celui d’échapper à sa nature. Il semblait balancer entre l’ange (le transhumanisme, l’homme augmenté) et la bête (un animal comme les autres) souligne J. Julliard, comme deux faces opposées d’un même évitement.
Retrouver l’humain, comme un rappel à l’ordre très brutal.
Est-ce qu’on peut simplement en tirer une leçon de morale ? Il aurait fallu écouter Pascal au lieu d’accuser Dieu sait qui : « Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose : de ne pas savoir rester dans sa chambre » Télé, radio, internet nous livrent sans cesse des leçons de morale civique « Restez confinés », quand tout le monde pense : rendez-nous vite nos avions, nos plages, nos voitures, nos bistrots. Rendez-nous vite notre liberté, mais elle a un prix ou, plutôt, elle doit se vivre d’une certaine manière :
Plus profondément
- Nous sommes invités à faire preuve de réalisme. L’humain est remis en perspective et à faire preuve d’humanité. Qui est grand ? C’est un symbole : le footballer payé des millions ou le médecin, l’infirmière, le chauffeur routier et la caissière ? S’accepter fragile, humble et même si nous sommes dépassés par les enjeux, s’estimer suffisamment libre.
- Nous sommes invités à réfléchir à nos relations. La menace commune du malheur fait, paradoxalement, mieux saisir aux hommes ce qui les unit. « Le paradis c’est les autres » (Sartre doit se retourner dans sa tombe, cf Huis clos) Comme si avoir un ennemi commun créait déjà une communauté de destin. Le virus s’attaque à tous et nous avons le sentiment d’être embarqués dans le même bateau. Contre le « jouer perso », au « penser qu’à soi », s’ouvrir. C’est la qualité des relations qui est grande et qui porte le monde. Il a fallu une pandémie pour le comprendre.
Pâques, le tombeau vide
- C’est un homme qui nous sauve. Le ressuscité n’est ni un ange Il nous montre sa fragilité, ses plaies. Ni une bête puisqu’il s’offre librement. Et puis dans les récits de résurrection j’ai toujours été frappé par le réalisme des témoins, écho du réalisme du ressuscité.
- C’est un geste qui nous sauve, celui d’une relation, « Il a été ressuscité, le Père l’a ressuscité ». C’est une relation, la relation intacte du Père et du Fils qui nous sauve. Nous sommes sauvés dans la tendresse du Père pour le Fils. Ils nous donnent leur esprit commun. « si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous » (Romains 8,11) Là où est l’esprit, là est la vie et la relation. Il a fallu la mort et la résurrection de Jésus pour le comprendre.
C’est Pâques : c’est un homme qui ressuscite, un homme plus grand que l’homme, le Fils du Père et nous arrache à la mort.
Sa mort nous sauve de la mort, de nous croire tout-puissant, de vouloir échapper à notre condition mortelle.
Par l’Esprit-Saint qui nous a été donné nous vivrons déjà entre nous de la vie du ressuscité.
C’est Pâques, alléluia, le Christ est ressuscité !