Homélie du frère Maurice Billet – Dimanche 21 juin 2020
Avec le retour du temps ordinaire, dans la liturgie, on se remet au vert. C’est l’été. Nous reprenons la lecture, à peu près en continu, de l’évangile selon Matthieu. Cette lecture a été interrompu par les dimanches de carême, de Pâques, de la Pentecôte, de la Trinité, du Corps et du Sang du Christ. Bref, comme une série télévisée, il est nécessaire de nous rappeler les épisodes précédents.
Nous sommes au chapitre 10 de l’évangile de Matthieu ; il rapporte le 2e grand discours de Jésus. Jésus donne ses instructions. Pour l’envoi en mission des douze apôtres. Le texte évangélique qui précède celui que nous venons d’entendre rapporte que Jésus a prévenu ses disciples du sort dangereux qui les attend : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups…Les hommes vous livreront aux tribunaux…Le frère livrera son frère à la mort…Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom… ». Et Jésus résume ce grave avertissement par cette déclaration : « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître ni le serviteur au-dessus de son Seigneur… ».
Nous voici donc en mesure de comprendre ce que nous dit le texte évangélique de ce dimanche. Devant les difficultés qui attendent les apôtres, Jésus leur dit : « Ne craignez pas. » Cette recommandation insistante est reprise 4 fois dans le texte. « N’ayez pas peur ! » Souvenez-vous, cette injonction a été prononcée, le 22 octobre 1978, place Saint-Pierre à Rome, par le tout nouveau pape, Jean-Paul ll, à l’inauguration son pontificat. « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, poursuit le pape. À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. » Nous sommes invités à nous déconfiner largement.
À la suite des apôtres, nous sommes invités à l’audace, au courage, à la ténacité, à l’Espérance, dans le témoignage de notre foi. Par notre vie, nous avons à témoigner de la Bonne nouvelle, à annoncer l’amour de Dieu et de Jésus, mort et ressuscité. Pour nous ce témoignage de vie est une nécessité vitale.
Nous rencontrerons certainement des contradictions. Jérémie, dans le première lecture reçoit le nom de surnom d’Épouvante de tous les côtés. Mais Jérémie dit aussi : « Le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable. » Jérémie. « La crainte du Seigneur, c’est là ton trésor » (Esdras 33, 6)
« Le Seigneur veut que nos limites et nos faiblesses prennent appui dans sa force et dans la toute-puissance de son amour » selon Ignace de Loyola.
Je voudrais revenir sur la lecture de la lettre de saint Paul aux Romains. Il nous dit : « Si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce s’est-elle répandue en abondance sur la multitude. Cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus de Nazareth. » Nous sommes aimés par Dieu tels que nous sommes ; il nous accueille tels que nous sommes ; de quoi aurions-nous peur ? Si la faute d’Adam entraîne une logique de mort, elle est totalement débordée par la logique de la grâce et de la vie apportée par Jésus.
« Vous n’avez pas reçu un esprit d’esclavage, qui mène à la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption filiale, par lequel nous crions Abba ! Père. » Rm 8,15.
La seule crainte qui doit rester, c’est celle de Dieu. La crainte de Dieu, on le sait, dans la Bible, n’est pas une panique devant une divinité terrifiante mais un immense respect, une adoration éperdue, un désir de fidélité envers Celui dont on se sait infiniment aimé. Seule cette « crainte de Dieu » nous permet de ne pas perdre cœur et de persévérer dans la foi et le témoignage.
« Il n’y a pas de crainte dans l’amour. L’amour parfait bannit la crainte » 1 Jn 4,18. Dieu est avec l’homme contre ses peurs. Donne-nous, Seigneur, la grâce de ta louange.
La conséquence est que cette crainte de Dieu nous rend libres.
Le péché est le terrible revers de cette liberté donnée par Dieu, selon le philosophe Paul Ricoeur. La liberté est la principale qualité des hommes. Leur principal défaut c’est la liberté.
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans le géhenne l’âme aussi bien que le corps. » Le chrétien subira des blessures de la vie. Dans notre pays, notre foi ne met pas en danger nos vies. Dans notre monde, nous savons que des hommes, des femmes meurent à cause de leur foi.
Notre corps porte, comme une enveloppe, un sanctuaire, un bien inaliénable. Dans l’homme, il y a plus que l’homme. Il est temple de la vie de Dieu, immortelle et propre à chaque personne humaine.
Nous sommes porteurs du message du Christ mort et ressuscité. Libres, nous avons à le communiquer à des hommes et des femmes libres.
« Vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. » Oui, nous avons du prix dans le cœur de Dieu. Cette certitude nous rend la joie et la confiance. « Si Dieu est avec nous, qui peut être contre nous. » Romains.
En partant, vérifier si, sur l’une de vos épaules, un cheveu n’est pas tombé.
Que la célébration de ce jour nous fasse avancer dans le service de la parole et de nos frères. Que notre cœur soit changé et plus proche du Seigneur, même s’il a bougé de l’épaisseur de l’un de nos cheveux.