Homélie du frère Franck Guyen – Solennité du Saint-Sacrement 6 juin 2021
Aujourd’hui, nous nous retrouvons ensemble à la messe dans le couvent dominicain de Lille (France). Vos voisins ont fait de même à l’église de Notre-Dame de Pellevoisin toute proche. Et ces rassemblements dominicaux se reproduisent un peu partout en France, en Europe et en Afrique. Ailleurs, vers l’est, l’Asie et l’Australie ont déjà célébré la messe tandis qu’à l’ouest les Amériques vont se lever pour s’y préparer.
Les chrétiens du monde entier convergent vers une table pour partager un repas. Cette table, c’est l’autel avec en surplomb la croix, et nous retrouvons ici les deux expressions fondamentales de la foi chrétienne : la croix renvoie à ce moment unique dans l’histoire où le Fils de Dieu, meurt pour la rémission de nos péchés et ressuscite pour nous donner la vie éternelle ;-cet événement historique unique et indépassable déploie sa puissance de salut tout au long de l’histoire, spécialement dans le plus éminent des sacrements, la table eucharistique.
Nos frères aînés dans la foi, le peuple juif, l’avaient pressenti : la fin des temps inaugurée par la venue du Messie sera marquée par un banquet de fête où toutes les nations se retrouveront ensemble à la même table présidée par Dieu. Et c’est ce que Dieu réalise dans la Nouvelle Alliance spécialement à la table eucharistique : la réconciliation universelle, réconciliation horizontale de l’humanité avec elle-même, avec le reste de la création, et réconciliation verticale avec Dieu, quoique de façon inattendue.
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À cette table se rencontrent le désir mutuel de la création et de Dieu.
Désir de la création pour son Dieu.
Le président de la messe dépose sur l’autel les offrandes du pain et du vin en les présentant à Dieu le Père : « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donne ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes, il deviendra le pain de la vie », puis « tu es béni, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail des hommes, il deviendra le vin du Royaume éternel »
Avec le pain et le vin, nous apportons le blé et le raisin qui qui se sont nourris de la terre, de l’eau et du soleil ; nous apportons le travail des meuniers, des boulangers, des vignerons, des ouvriers agricoles, des transporteurs. Et la lumière électrique qui nous éclaire provient d’une centrale électrique dirigée par des employés qui ne sont forcément chrétiens. Et peut-être cette électricité provient de l’eau d’un fleuve qui, en s’écoulant, fait tourner les turbines de la centrale.
Vous le voyez, mes frères, nous chrétiens, nous sommes liés à nos frères en humanité et plus encore à l’ensemble de la création, au soleil, à l’eau et à la terre, et c’est tout cela que nous apportons à l’autel avec les offrandes du pain et du vin.
Désir de Dieu pour sa création. Le mouvement descendant du Dieu trine vers sa création répond au mouvement ascendant de la création vers son Créateur. Pour moi, il se produit à partir de l’acclamation du Dieu trois fois saint : « Saint, Saint, Saint ».
Le Père reçoit la demande que le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Christ. Le Fils est présent à la fois comme le prêtre qui offre – quand il dit « ceci est mon corps », puis « ceci est mon sang » – et comme celui qui s’offre – il est le corps et le sang donnés.
L’Esprit saint est lui aussi présent et actif comme le montre son invocation par le président de la table sur le pain et le vin :
« Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus le Christ notre Seigneur ».
Sous l’action divine des Trois personnes divines, le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Christ, mais, je crois, sans cesser d’être du pain et du vin : l’analyse la plus poussée du pain et du vin consacré donnera toujours à mon avis la même composition : du blé, de l’eau, de l’alcool. Cela dit, dans, à travers et sous la matérialité inchangée du vin et du pain se donne une autre réalité, spirituelle celle-là, qui ne fait pas nombre avec les choses de ce monde : le corps et le sang du Christ ressuscité que seule la foi discerne.
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Je conclus. Mes amis, le feu de vos sucs digestifs va permettre à votre corps d’assimiler le blé, l’eau et l’alcool du pain et du vin consacrés, mais il y a un autre feu qui entre en action, le feu de l’Esprit Saint.
Mes amis, laissez-vous habiter par ce feu : alors ce n’est plus vous qui assimilez les substances matérielles du pain et du vin dans votre corps, ce sont les réalités spirituelles du Corps et du Sang qui vous assimilent au Corps mystique du Christ.