Homélie du frère Emmanuel Dumont, 3e Dimanche de l’Avent – 12 décembre 2021
1.1 La joie de la conversion
Ça y est ! Ils sont convertis ! Jean-Baptiste appelle à la conversion, il proclame un « baptême de conversion pour le pardon des péchés » et les gens accourent ! Il y a une sorte de joie ambiante. Un peu comme quand on sort de la confession, on est plus léger, on commence une nouvelle vie, on est dans la joie.
Vous, c’est pareil, si vous êtes là, c’est que vous êtes converti ! A moins qu’il vous manque les mots très durs que Jean Baptiste crie à ses paroissiens en les traitants de fils de vipères et de vieilles souches qui vont subir la colère de Dieu. Sophonie, fait pareil, d’ailleurs, pendant les trois quarts de son livre. Mais, je ne sais pas si c’est vraiment efficace.
Enfin, nous sommes à la messe, nous avons prié le Kyrie, nous avons vécu un rituel pour le pardon des péchés. Nous sommes converti, c’est-à-dire que nous avons décidé de changer de vie, d’être de meilleures personnes. On peut même dire qu’on a changé de religion, on a changé de relation avec Dieu.
C’est beau ! C’est une vraie source de joie pour chacun d’entre nous ! C’est un peu comme ça que saint Paul parle aux Philippiens dans sa lettre : « soyez dans la joie ».
1.2 Que faire ?
Mais qu’est-ce qu’on fait quand on est converti ? Dans l’Evangile d’aujourd’hui, les gens ne demandent pas de pénitence, ils demandent une nouvelle vie. Qu’est-ce qu’il fait le bon croyant, qui aime Dieu et son prochain ?
Et la réponse est assez simple, c’est même réaliste : le bon croyant, il partage. C’est ce que vous faites avec vos dons, votre bénévolat et vos impôts. Et il n’abuse pas de ses positions de pouvoir surtout s’il est contrôleur fiscal ou gendarme : pas d’escroquerie ni de violence.
On est tous contrôleur fiscal ou gendarme, on a tous un petit pouvoir dont on peut abuser, un espace, une compétence, une qualité… Si on est converti, comment est-ce qu’on l’utilise ? C’est un peu la question que nous posent les films de super héros aujourd’hui, avec les personnages ambigus qui n’utilisent pas toujours leurs pouvoirs à bon escient.
En fait, Jean ne prêche rien d’autre que la loi de Moïse, tout ce qu’il dit a déjà été dit. Et ça tombe bien puisque ses interlocuteurs sont tous juifs.
Jésus va faire pareil d’ailleurs. Quand un spécialiste de la loi en Luc 10, lui demande « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle », Jésus lui répond simplement de pratiquer les commandements de Moïse.
Et plus loin, en Luc 18 ça recommence avec un notable, sauf que là, Jésus va rajouter une nouveauté, un grain de folie : « quitte tout et suis-moi ». On sent une rupture. La vraie rupture, elle viendra après la Résurrection, dans les Actes (2 et 16), et là, à la question « que devons nous faire », on répondra : croyez en Jésus Christ, faites vous baptiser au nom de Jésus Christ. Mais on n’y est pas encore.
On a l’impression que Jean Baptiste nous propose le début d’un parcours spirituel qui commence par la demande de pardon, les bonnes actions, l’attente, et qui aboutira plus tard dans la foi et la contemplation du Christ.
1.3 De la rupture !
Aujourd’hui, à l’époque de Jean Baptiste, la nouveauté, elle n’est pas encore arrivée, on est encore dans l’attente. Et les gens veulent de la nouveauté. Ils se sont convertis, mais, quand même, ils « sont dans l’attente ». A l’époque de Jésus, ils attendent le messie, l’élu désigné et promis depuis des générations, le roi idéal, le libérateur définitif, le héros de la fin des temps. Ils attendent le Christ. Alors Jean leur promet, un homme, plus fort que lui, qui baptisera dans l’Esprit et le feu, et qui jugera la terre.
1.4 Le feu
Oui, le feu, c’est l’élément central du passage : le feu qui brûle les branches mortes, mais aussi le feu de l’amour, ce feu que Jésus est venu jeter sur la terre, comme il le dit plus loin au chapitre 12 ?
En effet, ce feu, c’est le feu qui purifie. Jean a prêché la repentance, et les gens veulent se purifier. Le Lévitique répète tout le temps que pour se purifier, il faut se laver avec de l’eau, alors Jean lave les gens dans l’eau. La pratique est restée dans d’autres religions. Mais voilà, nous ne sommes pas de simples vêtements, nous sommes précieux, comme l’or et l’argent, que Moïse à purifier dans le feu en Nombre 31. Oui, nous pouvons passer l’épreuve du feu, le feu qui purifie. Il y a quelque chose d’éternel en nous, comme l’or, qui peut passer l’épreuve du feu.
Mais c’est aussi le feu qui libère. Quand Samson est en prison, l’esprit s’abat sur lui et brûle ses liens, en Juges 15. Et Néhémie 9 parle de la colonne de feu qui a libéré les hébreux de l’Egypte, comme de l’Esprit qui nous guide vers la sagesse et la liberté.
Le feu, c’est aussi le signe de la présence de Dieu. Cela commence avec Abraham : Dieu vient brûler l’offrande d’Abraham. On peut penser à Moïse : Dieu parle à Moïse du milieu du feu. On peut penser au premier Temple, Dieu vient manifester sa présence par le feu. Et alors, les croyants se prosternent, et ils disent « éternel est son amour » (2 Chroniques 7). Et à la Résurrection, les disciples sont en route vers Emmaüs et leur cœur est tout brûlant en présence du Ressuscité.
Oui, le feu purifie, mais il libère aussi, il est le signe de la présence de Dieu en nous. C’est ça que Jean Baptiste annonce.
1.5 La joie de l’attente
Alors quand Jean Baptiste nous annonce un baptême dans le feu et l’Esprit, cela nous met dans la joie, la joie de l’attente.
La joie dont parle Sophonie, la joie de Jérusalem qui attend que son Dieu vienne l’habiter. La joie de savoir que nous serons renouvelés par l’amour de Dieu.
Cette attente, elle n’est pas passive. On est converti, certes, on fait des bonnes actions, certes, mais on prépare l’avenir. A quinze jours de Noël, on commence à préparer Noël : les invitations, les cadeaux, les visites… Et, moi, personnellement, ça me mets dans la joie. Il y a plein de choses qu’on prépare avec joie. Je pense aux enfants qui naissent en ce moment et dont la venue est préparée avec tellement de joie. A toutes ces chambres qui sont préparées pour accueillir un nouveau né. Et bien, nous aussi, préparons la chambre de notre cœur pour accueillir le Christ, le nouveau né, à Noël.
« Oui, je vous le répète, soyez dans la joie ». Certes, parfois, c’est plus facile à dire qu’à faire. Et bien, si vous n’y arrivez pas, recevez ces mots de saint Paul : « Ne soyez inquiets de rien, mais en tout temps, priez : demandez et remerciez ».