Ce qui s’est joué aux noces de Cana

Mes amis, l’évangile des noces de Cana nous pose une question : qu’est-ce qui a fait changer d’avis Jésus ?

– Au début, Jésus n’a pas l’intention d’intervenir face au manque de vin signalé par sa mère : «  Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue » lui répond-il. Et elle part sans rien dire. L’affaire semble close. Mais voilà que des serviteurs s’approchent de lui : « Votre mère nous a envoyés vers vous en nous disant de faire tout ce que vous nous direz [même si cela semble absurde, complète notre imagination] ». En fait, Marie n’a pas renoncé à sa demande et elle revient à la charge indirectementi.

Cette fois-ci, Jésus accepte et il accomplit pour la première fois ce que Jean appelle un signe là où MatthieuMarc et Luc préfèrent parler de miracle : Jésus change l’eau des vases de purification en un très bon vin. L’évangile ne nous dit pourquoi Jésus a refusé tout d’abord ni pourquoi il a ensuite accepté la requête de sa mère quand elle revient à la charge.

– Pour éclaircir la question, portons notre attention sur le refus du début dans sa dimension non verbale : comment Jésus regarde sa mère, quel ton de voix il prend, et comment elle réagit.

L’évangile de Jean n’étant ni une pièce de théâtre ni un roman, il ne nous fournit pas d’indications sur la mise en scène ou sur ce qui se passe dans l’esprit des protagonistes, alors visualisons la scène en partant d’une indication verbale à mon avis déterminante : Jésus appelle sa mère «  femme  » et non pas «  mère  », autrement dit l’échange ne se situe pas au niveau d’un fils et de sa mère.

Il ne s’agit pas d’épargner la honte à des connaissances ni de faire plaisir à une mère. Il s’agit de lancer une carrière publique qui conduit à la croix. Et dans, sous et à travers cette carrière se joue pas moins que le projet de salut de Dieu pour Sa création.

Nous pouvons maintenant expliciter les non-dits de l’évangile de Cana : le ton de la voix, le regard de Jésus sont durs. «  Tu ne sais pas ce que tu demandes. Tu ne sais pas ce qui est en jeu. », voilà comment je traduis en mots ces éléments non-verbaux adressés à la descendante d’Ève. Le silence s’installe.

Ma conclusion.

Je vois Marie soutenir ce regard d’une intensité terrible, sans baisser les yeux. Puis elle s’en va vers les serviteurs. Sans rien dire, elle a tout dit : «  je sais ce qui est en jeu ». Jésus a rencontré celle dont la foi supportera le spectacle de la croix, il peut commencer sa course.

i On retrouve cette même stratégie indirecte un peu plus loin dans l’évangile de la résurrection de Lazare : après avoir essuyé un refus de Jésus, Marthe le quitte mais c’est pour envoyer sa sœur Marie auprès de lui – Jésus relève alors le frère de Marthe d’entre les morts, ce qu’il avait refusé de faire au début.

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