Homélie du frère Emmanuel Dumont – Dimanche 5 novembre 2023
Vous savez, il y a des bons chasseurs et des mauvais chasseurs. Et bien c’est pareil avec les anticléricaux. Il y a des bons anticléricaux et des mauvais anticléricaux. Jésus, c’est un bon. Jésus, au fond, c’est notre modèle d’anticlérical qui aide les hommes à se réformer en permanence.
1.1 Qui sont les pharisiens ?
En effet, lorsqu’il dénonce les pharisiens, on a vraiment l’impression que Jésus dénonce le clergé.
Mais qui sont ces pharisiens que Jésus critique ? Un enfant m’a dit une fois : « Ce sont les habitants de Paris ». Ce n’est pas faux, mais il y en a aussi ailleurs.
1.1.1 Les autres
Historiquement, j’avais compris que c’était ceux qui avaient développé le culte hors du temple et du clergé, dans des maisons de prières, des synagogues, j’avais compris que c’était un peu les protestant d’aujourd’hui. Et l’autre jour j’ai entendu une pasteur qui disait que les pharisiens, ce sont ceux qui respectent la Loi écrite et la loi orale, la Bible et la Tradition, ce sont les catholiques.
1.1.2 Le clerge
Dans notre texte, ceux que Jésus dénonce, ce sont ceux qui siègent sur la chaire de Moïse et qui portent le nom de Rabbi. La chaire de Moïse, elle fait penser à nos cathèdres ou à nos chaises de présidence. Autrement dit, les pharisiens semblent surtout être les prêtres et les évêques, c’est à dire l’autorité de l’Eglise.
D’ailleurs, Jésus dénonce ceux qui font porter un poids aux autres alors qu’ils ne le portent pas. Et là, bien sûr, on pense au discours de l’Eglise sur le mariage. Les divorcés remariés ne peuvent pas communier alors que certains prêtres qui ont été auteurs de scandales sexuels semblent pouvoir continuer à célébrer la sainte messe.
Et Jésus a raison. A chaque fois que l’Eglise a cherché à se réformer. A chaque fois que l’Eglise avait suffisamment d’énergie spirituelle pour essayer de s’améliorer, elle a dénoncé ce qui n’allait pas chez les évêques et les prêtres. Il suffit de lire les actes des synodes depuis l’Antiquité pour voir que l’Eglise elle-même peut paraitre anticlérical tellement elle est peut-être directe lorsqu’elle condamne ce qui ne va pas en son sein.
1.1.3 Les croyants
Mais avec cette interprétation, vous risquez de ne pas vous sentir trop concernés. Une fois, j’avais lu un document de la franc-maçonnerie. Ils étaient bien embêtés parce que la dénonciation du cléricalisme fait partie de leur programme à certains, mais comme aujourd’hui, il n’y a presque plus de clercs, l’enjeu semble moins grave. Et pourtant, il y a plein de forme de « cléricalisme » tel que Jésus le dénonce.
Il y a plein de façon de se faire appeler maître et de se positionner en situation d’autorité spirituelle. On peut se dire expert et faire faire aux autres ce qu’on n’aurait jamais fait nous-même. On peut utiliser une autorité spirituelle à des fins économiques, politiques ou identitaires.
Il y a plein de façon de faire porter des fardeaux. La glose de Laen, un commentaire de la Bible écrit dans les marges, et rédigé à Laen au XIIe siècle disait que ces fardeaux ce sont les traditions qui oppriment la conscience.
Il y a plein de façon d’avoir des franges et des phylactères bien long et de porter des signes ostentatoires d’appartenance religieuse (comme on dit) sans vraiment appartenir à Dieu de tout son cœur.
Quand Jésus, notre seul maître fait la morale, c’est à nous qu’il parle. C’est à nous qu’il fait la morale. Il nous invite à entrer en nous-même, il nous invite et à nous convertir.
1.2 Tous frères
1.2.1 La fin des temps
En réalité, je crois que Jésus n’est pas plus contre le clergé que le prophète Jérémie, Malachie, voire saint Paul ne sont contre le peuple d’Israël. Si à travers les prophètes, Dieu critique, invective, voire maudit parfois, c’est qu’il aime son peuple, qu’il aime les croyants, qu’il aime les lévites, les prêtres et les pharisiens.
Nous sommes au chapitre 23 de Matthieu. Jésus est entré comme le Messie à Jérusalem au chapitre 21, inaugurant des nouveaux temps. Il est allé tout de suite chasser les vendeurs du Temple, pour le purifier. Au chapitre 22 il a évoqué les derniers temps avec le festin des noces et le débat sur la Résurrection. Là, au chapitre 23, il critique et maudit les pharisiens. Et aux chapitres 24 et 25, il annonce la chute du Temple, la fin des temps et le retour du Christ et le jugement dernier.
1.2.2 Tous frères
Jésus le dit, si nous n’avons qu’un seul Père, c’est que nous sommes tous frères. Or Jésus nous dit ce que cela signifie d’être tous frères de Jésus, fils du seul Père. En Matthieu 12, au moment de sa rencontre avec sa famille, il nous dit qu’être son frère, c’est faire la volonté du Père. C’est pratiquer la justice. Plus loin, lorsqu’il parle du Jugement Dernier, il nous dit que ses frères, ce sont les plus petits que l’on a aidés : les malades, pauvres ou en prison. Et à la résurrection, il enverra les femmes témoins de sa résurrection l’annoncer à ses frères.
Jésus nous parle de fraternité lorsqu’il annonce la venue du Royaume de Dieu, cette nouvelle ère qui fait irruption dans notre temps.
1.2.3 L’autorité maternelle
Mais en attendant, oui, nous avons besoin de maitres et d’anciens, comme nous le dit la première lettre à Timothée.
Saint Paul nous parle de son ministère en se décrivant comme une mère plein de douceur. Nous le savons, la maternité est un lieu de transmission voire d’autorité spirituelle importante. Il suffit de penser à Monique et Augustin, ou à Zélie et Thérèse.
1.2.4 Quels modèles
Oui le Christ nous invite peut-être à rechercher des modèles là où on ne les attend pas.
Oui, demandons l’aide de Dieu pour que nous puissions être des maitres toujours plus authentiques et fiables les uns pour les autres. Et prions le aussi pour nous aider à voir en chacun non seulement des frères du Christ, mais aussi des maitres en Christ.