Homélie du frère Franck Guyen – 26 juin 2024
Jésus nous donne dans l’évangile d’aujourd’hui, mercredi 26 juin 2024, douzième semaine du Temps ordinaire, un critère pour discerner entre les vrais et les faux prophètes : reconnaître un arbre à ses fruits.
En lisant le livre « Impostures mystiques » de Joachim Boufflet, je me suis rendu compte que cela n’était pas si facile : beaucoup, y compris des évêques, ont été trompés par des personnes à l’apparence pieuse et humble, aux beaux discours spirituels, éventuellement agrémentés de phénomènes apparemment surnaturels.
Ces pseudo-mystiques présentaient au début des bons fruits qui semblaient les confirmer comme des envoyés de Dieu : conversions, guérisons morales sinon physiques, réconciliations intérieures et extérieures, … Mais au bout d’un certain temps, des fruits mauvais apparaissaient, un puis deux puis plusieurs, et les bons fruits finissaient par devenir rares.
C’est donc la durée qui vérifie la qualité d’une personne réputée homme ou femme de Dieu. L’arbre continue-t-il de porter du bon fruit, ou bien les choses se gâtent-elles au fur et à mesure du temps ? J’aime bien citer ici Abraham Lincoln, un ancien président des États-Unis, qui disait : « Un menteur peut tromper un peu de gens longtemps, il peut tromper beaucoup de gens un peu de temps, mais il ne peut pas tromper beaucoup de gens longtemps ».
Pour le dire autrement, l’imposteur mystique cache son vrai visage sous un masque, mais le masque peut glisser sous l’effet d’un événement imprévu. L’imposteur, surpris, se retourne brusquement : son masque glisse, révélant son visage de prédateur un court instant.
Personnellement, je n’arrive pas à comprendre comment des disciples du Christ peuvent idolâtrer ces pseudo-mystiques : on peut admirer telle ou telle personne pour sa piété, ses propos spirituels, mais pourquoi vouloir voir à tout prix en elle une sainte échappant aux lois ordinaires ? Et pourquoi refuser tout ce qui vient contredire cette belle image ou plutôt cette idole ?
Et je ne comprends pas non plus ceux qui s’extasient devant des phénomènes « surnaturels ». Il lévite, il ne mange plus ni ne boit plus à part l’eucharistie, il vit la Passion du Christ tous les vendredis et son corps en porte les stigmates, il lit dans les pensées, il a le pouvoir de bilocation, il prédit l’avenir, il voit la Vierge Marie et reçoit d’elle des révélations privilégiées, … disent-ils. Oui, en supposant que cela soit vrai, qu’est-ce que cela prouve ? Cette puissance surnaturelle peut très bien provenir d’une volonté maléfique, telle celle de Satan dont l’apôtre Paul prévient qu’il sait se déguiser en ange de lumière [2 Corinthiens 11,13-15].
Rappelons que Jésus rechignait à faire des miracles, car il savait combien ils étaient ambigus et surtout comment ils pouvaient enfermer dans des désirs de puissance ou de jouissance terrestre, empêchant les cœurs de s’ouvrir à une royauté venant d’ailleurs.
Mes amis, gardons-nous d’absolutiser quoi que ce soit et qui que ce soit de cette terre. Tout ici-bas ressort de l’ordre du créé qui renvoie à un ordre au-delà de lui à un point qui échappe à notre capacité d’imagination, celui du Dieu créateur et sauveur. À lui et lui seul reviennent l’honneur, la gloire et la puissance pour les siècles des siècles – et au-delà.