Saint Dominique

Homélie du frère Jean-Baptiste Rendu – Fête de saint Dominique 8 août 2024

« Je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse » (1 Co 2, 2). De l’aveu de lui-même, c’est sans grande éloquence que Paul, l’homme de la parole, le prédicateur infatigable, cherche à proclamer, à temps et à contre-temps, la bonne nouvelle du salut, le mystère de Dieu qui s’est pleinement révélé en JC. 

Un peu plus loin, dans cette même lettre aux Corinthiens, Paul précisera d’ailleurs qu’il lui suffit de « cinq paroles » – dites certes avec intelligence – pour instruire l’assemblée de Dieu (1 Co 14, 19).

Cinq paroles seulement suffisent à l’apôtre des Nations pour instruire et transmettre la foi ! Le rêve de tout prédicateur ! En commentant ce verset biblique, un frère dominicain lyonnais du moyen-âge, quasi contemporain de St Dominique, Etienne de Bourbon, interprète cette formule paulienne, « proférer cinq mots », comme une exhortation au prédicateur à porter son enseignement sur la foi sur « ce qu’il faut croire », « ce qu’il faut faire », « ce qu’il faut fuir », « ce qu’il faut désirer », « ce qu’il faut redouter ». Et il associe à chacune de ces recommandation un don de l’Esprit Saint : le don de crainte concerne ce qu’il faut redouter, le don de piété ce qu’il faut espérer, désirer, le don de science ce qu’il faut faire, le don de force ce qu’il faut repousser, le don d’intelligence ce qu’il croire.

De Dominique, lui aussi perçu en son temps comme un homme de la parole et un inlassable prédicateur et qui plus est fondateur d’un Ordre député à la Parole, il faut avouer que nous n’avons rien, nada, absolument de sa prédication. Pas même 5 paroles…  Pour être honnête tout même, nous disposons de 3 lettres. Des lettres qui ne disent rien du contenu de sa prédication, mais qui nous renseignent sur ses activités en Languedoc et les relations fraternelles qu’il entretenait avec les moniales de Madrid.  

En revanche, les biographies et hagiographies de St Dominique regorgent de témoignages édifiants (et quelquefois croustillants) mettant ainsi en lumière que toute prédication dominicaine, et St Dominique le premier, est une prédication VERBO et EXEMPLO, par la parole et par l’exemple.

Alors, frères et sœurs, permettez-moi quelques instants de m’arrêter sur 5 paroles de Notre Père St Dominique, attestant de sa « sainteté », à savoir une existence humaine marqué du sceau de l’Esprit Saint. 

Ce qu’il faut croire (don d’intelligence)

 « Ne manquant pas non plus de la perfection de la charité, Dominique était prompt à donner sa vie pour le salut de son prochain. (…) Un jour, une femme était en effet venue déplorer auprès de lui le fait que son frère était retenu prisonnier chez les Sarrasins, Mais lui qui était empli de l’esprit de piété, blessé d’un sentiment de compassion au plus profond de lui-même, offrit de se vendre pour le rachat du captif, (à l’exemple du rédempteur de tous). Mais le Seigneur ne le permit pas, lui qui se le réservait pour des fruits de justice plus féconds et pour la conversion d’un très grand nombre d’âmes » (Jourdain de Saxe, Petit livre)

Un bel exemple de la vie de Dominique, une parole en acte, qui nous montre bien que Dominique croyait en la bonté de Dieu, tellement bon qu’il était prêt à se livrer lui-même pour le rachat d’un captif, tel le fils de Dieu qui donne sa vie pour le rachat du péché de tous les hommes. Voilà ce qu’il nous croire (la bonté infinie de Dieu) et que Dominique enseigne par le témoignage de sa vie.  

Ce qu’il faut faire (don de science)

« A propos du bienheureux Dominique, j’ai entendu un frère dire que, après avoir passé la plus grande partie de la nuit en prière à Bologne, il grimpait sur des claies d’osier qui étaient à côté du lit de ce frère. Comme ce frère entendait ses gémissements et ses rugissements répétés, et que, si tard qu’il entre dans son lit et si tôt qu’il se lève, jamais il ne le trouvait là, il demanda alors à un autre frère ce que cela pouvait bien être ; il lui répondit que c’était le Bx Dominique qui venait là se reposer un petit peu quand approchaient les matines ». (Etienne de Bourbon, Traité)

Dominique un homme abimé dans la prière pour les pécheurs (voilà ce qu’il nous faut faire), mais qui sait qu’il n’est pas un ange et que son corps a besoin aussi de repos. Un bel exemple d’humanité d’un homme à la fois totalement consacré à Dieu, sans rien oublier de son humanité. 

Ce qu’il faut fuir (don de force)

« Et encore, alors qu’il était en prière et que les frères dormaient déjà, le diable vint sous l’apparence d’un frère, comme s’il priait devant un autel. Le saint, étonné qu’un frère soit resté après la cloche, lui fit signe de la main d’aller se coucher. L’autre inclina vers lui la tête et se retira. Après les matines, le saint avertit donc les frères de ne pas rester dans l’église après la dernière cloche. C’est ce que fit pourtant ce faux frère une deuxième et une troisième fois. La troisième nuit, comme il feignait à nouveau de prier, le bienheureux homme vint donc à lui et le réprimanda en disant : ‘En voilà une grande désobéissance ! J’ai déjà dit plusieurs fois que personne ne devait rester, et toi, c’est déjà la troisième fois que je t’y ai pris’. »

Alors celui-ci ricana : « Maintenant, dit-il, je t’ai fait rompre le silence. » Le saint homme, découvrant ses ruses, lui répondit hardiment : « Ne te réjouis pas, misérable, de ce qui ne te servira pas, parce que moi, je suis au-dessus du silence et je peux parler comme bon me semblera. » À cette réplique, le diable se retira, confus » (Vie des frères)

Par le don de force, St Dominique fuit ici la tentation du démon qui cherche à l’entrainer dans le scrupule d’avoir enfreint la règle du silence. Voilà ce qu’il nous faut fuir ! 

Ce qu’il faut désirer (don piété)

« De même, on lit dans la Vie du bienheureux Dominique, qui était très dévot à la bienheureuse Vierge, qu’à l’heure où il s’en alla vers le Seigneur, frère Guala, alors prieur des frères Prêcheurs à Brescia, par la suite évêque de cette même ville, vit deux échelles qui se dressaient de la terre jusqu’au ciel. À leur pied se trouvait le bienheureux Dominique. Quant à leurs sommets et aux extrémités de leurs montants, le Seigneur Jésus Christ les tenait d’un côté et la bienheureuse Vierge de l’autre, et peu à peu, ils les tiraient vers le haut et par elles, avec elles et en elles, ils élevaient le bienheureux Dominique jusqu’au ciel ». 

Et cela, ce frère l’a vu à Brescia au jour et à l’heure même où le bienheureux Dominique, à Bologne, s’en alla, et il l’a raconté publiquement ». (Etienne de Bourbon, Traité)

Un témoignage qui nous rappelle que toute sa vie Dominique n’avait qu’un seul et unique désir : rejoindre son Seigneur et la Bienheureuse Vierge Marie. Et il a tellement désiré cette rencontre qu’il était fin prêt à l’heure et au jour même de sa mort. 

Ce qu’il faut redouter (don de crainte)

« Alors que ce saint Dominique avait prêché à Fanjeaux contre les hérétiques et qu’il était en prière dans l’église, neuf matrones, s’approchant de lui, se jetèrent à ses pieds et dirent : « Serviteur de Dieu, les hommes contre lesquels tu prêches, jusqu’à présent nous les avons crus et les avons appelés “bons hommes”. Et comme désormais nous hésitons, nous te prions de prier Dieu de nous montrer dans quelle foi nous serons sauvées pour que nous y adhérions.

Alors, après avoir prié quelque temps en lui-même, il leur dit :

‘Résistez à l’effroi, le Seigneur va vous montrer quel seigneur vous avez servi jusqu’à présent.’ À ces mots, un chat effroyable bondit au milieu d’elles, de la taille d’un grand chien, avec de gros yeux qui jetaient des flammes, une langue large, longue et sanguinolente pendant jusqu’au nombril, une queue courte dressée vers le haut ; où qu’il se tournât, il montrait la saleté de son derrière, dont s’exhalait une puanteur insupportable.

Après avoir tourné ici et là à peu près une heure autour de ces matrones, il sauta sur la corde de la cloche et y grimpa, laissant derrière lui des traces nauséabondes. Quant à elles, raffermies par le saint, elles se convertirent parfaitement à la foi catholique, et certaines d’entre elles prirent l’habit des sœurs à Prouilhe. » (Etienne de Bourbon, Traité)

Un témoignage amusant qui nous rappelle qu’il nous faut redouter l’ennemi, l’adversaire du genre humain, qui nous fait miroiter monts et merveilles, mais qui n’a pas d’autres prétention que de nous détourner de notre vocation. 

Frères et sœurs, par le baptême et la confirmation, nous aussi avons reçu ces dons de l’Esprit Saint. Eh bien, qu’à la suite de Dominique nous laissions l’Esprit guider notre vie pour que par notre exemple de vie nous annoncions au monde d’aujourd’hui le mystère de Dieu, sans y rechercher forcément de la grandeur dans l’éloquence. 

 

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