Les vacances et la fête des tentes

Homélie du frère Emmanuel Dumont – Dimanche 11 août 2024

C’est les vacances. Le temps du repos bien mérité. Souvent en fin d’année, on a d’ailleurs souvent dit des choses telles que « vivement les prochaines vacances » ou « il me tarde de voir l’été revenir ». On a un peu rallé de devoir attendre ces fameuses vacances, un peu comme les hébreux dans le désert qui rallent parce qu’ils ont besoin de reprendre des forces.

Heureusement, Dieu nous donne ces vacances, comme il a nourri les hébreux au désert. Les vacances, ce n’est pas le paradis, ce n’est pas la Terre promise, mais ça fait du bien. Dieu nous donne de nous restaurer comme il nous a restaurer dans le désert. C’est ce que les juifs fêtes à Soukkot, la fête des tente. Et c’est ce que Jésus va fêter au début du prochain chapitre de saint Jean, au début du chapitre 7. Alors, là, le chapitre 6, c’est un peu une rénovation de cette fête du repos.

Jésus restaure les disciples comme l’ange restaurait Elie, en chemin. Elie mange pour reprendre la route, comme les hébreux, comme les disciples, comme nous.

Parce que les vacances, ce n’est pas une fin en soi, la fin de la route elle est plus loin. La fin de la route, pour les hébreux, c’est l’entrée en terre promise, pour Elie, c’est la rencontre de Dieu sur le mont Horeb, voire la montée à Dieu sur son char de feu, pour nous, c’est la vie éternelle.

         Polémiquer

Les juifs grommellent contre l’enseignement de Jésus, comme ils grommelaient contre Moïse dans l’Exode. Au fond, ils aiment ça, raller et polémiquer, ils sont très français ces gens-là.

Augustin les critiques vivement d’ailleurs dans son commentaire de Jean. C’est un ensemble de sermons, qu’il prêche à Hippone. A ce moment, il doit lutter contre les ariens, qui ne croient pas que Jésus est de nature divine. Or quand Jésus dit qu’il est « le pain descendu du ciel », c’est bien de sa nature divine dont il parle. Seul un être divin peut se donner en nourriture à l’infini. Seul un être divin peut donner sa chair en nourriture. Et lorsqu’un être divin se donne à une multitude, il en fait une unité, il fait de nous son corps unifié.

Alors pour Augustin, si les juifs polémiques, c’est parce qu’ils n’ont pas compris combien Dieu nous unifie, combien tous ensemble nous formons qu’un seul corps unifié en Christ.

         Jésus, notre mère

Sans vouloir polémiquer, je voudrais vous proposer une interprétation inattendue de ce texte. Et si Jésus ne nous disait-il pas, ici, qu’il est notre mère ?

En effet, les juifs parlent du père et de la mère de Jésus, Jésus parle de son Père, mais qu’est devenue la Mère ?

L’idée vient d’une pasteure qui ne savait pas comment prêcher sur ce texte. C’est sûr qu’elle ne pouvait pas trop prêcher sur le mystère eucharistique à la manière catholique. Alors elle a cherché un point commun entre ce texte et son expérience personnelle. Et elle était enceinte…

Est-ce que vous avez déjà porté un enfant ?

Vous l’avez nourri de votre sang et de votre chair n’est-ce pas ?

On peut faire des liens avec d’autres passages de l’évangile de Jean. Comment est-ce que Dieu crée le monde dans le prologue : par Jésus. Comment est-ce qu’on fait pour avoir la vie éternelle pour Nicodème, au chapitre 3, il faut naitre à nouveau. Et comment est-ce qu’il évoque la douleur liée à sa passion au chapitre 16 ? en parlant des douleurs de l’enfantement. Sachant que juste avant, eu chapitre 14, il leur a dit qu’il ne les laisserait pas orphelin.

J’aime bien cette image parce qu’une grossesse n’est pas un but en soi. Le but, c’est l’accouchement, c’est la vie qui est donnée. Voilà une image qui nous aide à ressentir que le Christ nous donne sa chair pour la vie éternelle. Cette vie éternelle dont nous ne savons que dire et que nous pouvons comparer à un enfantement.

         Être attiré par le Père

Ici, pour avoir la vie éternelle, il faut être attiré par le Père.

Être attiré par le Père, c’est tout le problème de la prédestination et de la liberté. Un problème cher à Augustin. On est attiré par ce qu’on désir, par ce que notre cœur désir profondément, par ce qui nous donnera un certain contentement, une jouissance spirituelle. Or n’est-ce pas notre Créateur qui nous a créé pour désirer le bonheur suprême et pour désirer Dieu. Celui qui nous a donné la vie, nous a donné de désirer la vie éternelle.

Croire en Jésus, c’est l’aimer, comme on aime un bon enseignement, un enseignement de Dieu, la Parole de Dieu elle-même qui se présente à nous.

         Être incorporé

Dix ans avant de prêcher son commentaire sur Jean, Augustin écrivait son autobiographie, toujours comme évêque à Hippone. Il raconte que lors de sa conversion, il a entendu un jour une voix dans laquelle Jésus disait qu’il était nourriture et que lorsqu’on le mangeait, on ne l’assimilait pas à nous, comme on le fait avec le reste de nos aliments, mais on s’assimilait à lui.

On ne mange pas la chair du Christ pour acquérir la puissance du Christ. On mange la chair du Christ pour être intégré au corps du Christ, pour être intégré à la vie divine du Christ.

Si les vacances sont le temps du repos, c’est aussi parfois le temps de la consommation. C’est peut-être l’occasion de nous dire que la consommation qui donne la vie, fonctionne différemment. Quand nous communions, c’est nous qui sommons consommés. Nous recevons le Christ pour mieux nous donner. Nous sommes intégrés au corps mystique du Christ, à l’Eglise et avec elle nous nous donnons au monde.

 

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