Homélie du frère Jean-Pierre Mérimée
Pour que notre vie soit orientée, qu’elle ait une boussole, il est nécessaire de nommer le mal. C’est ce que fait la Genèse dans le passage que nous venons d’entendre. Le contexte de ce premier livre de la Bible n’est pas historique naturellement, il est ontologique – c’est-à-dire qu’il vise ce qui est la racine de l’être profond, si nous le lisons à la lumière de l’hébreu dans une perspective intérieure et symbolique. Adam, comme le souligne Annick de Souzenelle, désigne la terre et avec elle, l’homme intérieur non encore accompli que nous sommes tous, homme ou femme. Il s’agit que les deux faces d’Adam, ish la lumière et isha l’ombre – à savoir la lumière non encore accomplie- s’accomplissent, aillent dans la vie divine, sans penser à mal. Consommer du fruit de la connaissance du bien et du mal revient donc à régresser, déserter l’homme intérieur, se mettre justement à penser à mal. La Genèse marque très nettement que la vocation de l’homme est de se tenir dans la gloire de Dieu sans se laisser détourner par rien d’autre. Quant au moralisateur qui part en croisade contre le mal, on peut craindre que ce soit pour se venger de la vie, qu’il n’aime pas. Comme si Dieu avait été inventé par les hommes pour faire échec au mal ! La peur le fait se barricader derrière ses certitudes, parce que, s’il l’aimait, la vie, il ne songerait pas au mal, il songerait à vivre, à voir le bien là où il est. Il goûterait à l’arbre de la vie que Dieu a planté au centre de son jardin, identifié au Christ dans le livre de l’Apocalypse.
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