Homélie du frère Maurice Billet
Le texte de ce jour raconte la conversation que le Christ a eue avec ses disciples. Ils sont sortis du Temple de Jérusalem. C’est là qu’ils se trouvaient, dans l’évangile de dimanche dernier. Rappelez-vous, Jésus a attiré l’attention de ses disciples sur le geste de l’offrande qu’une pauvre veuve a déposée dans le tronc du trésor. C’est, selon Marc, la dernière mention de la présence de Jésus dans le temple avant sa Passion.
Jésus est assis, il est avec ses apôtres au mont des Oliviers. De ce lieu, ils contemplent la ville de Jérusalem et le magnifique temple embelli par Hérode le Grand, depuis 20 ans. Un des disciples fait part de leur admiration devant la construction. Et voilà que Jésus leur annonce que ce bâtiment construit pour défier les siècles sera détruit complétement. Cette destruction, effectivement, aura lieu en l’an 70, par Titus.
Quand cela arrivera-t-il ? Question posée par les apôtres.
Comme toujours, Jésus répond en élargissant la question et la réponse. En plus de la destruction du temple, il leur parle de la fin des temps ; mais aussi de sa mort et de sa résurrection. Il ne lui reste que quelques jours à vivre, humainement, parmi nous.
Jésus utilise de langage apocalyptique habituel de son époque, comme aussi Daniel, dans la 1èrelecture. Chaque époque à son langage de science-fiction. Et il arrive, hélas, que la réalité des événements de l’histoire du 20esiècle a dépassé la fiction, avec les deux guerres mondiales et les dizaines de millions de morts qu’elles ont provoquées. Lyautey, au début de la 1ère guerre mondiale, déclarait : « Quel suicide ! ».
Nous voilà prévenus et cela depuis 2000 ans du grand chamboulement que sera la fin du monde. Ce que Jésus déclare c’est que celle-ci se fera. Quant à la date, seul le Père la connaît, pas même le Fils.
Mais Jésus révèle ce qui se fera à ce moment-là. La fin du monde concernera l’univers entier. Lui, Jésus, le Fils de l’homme enverra ses anges pour rassembler les élus des 4 coins du monde, de l’extrémité de la terre jusqu’à celle de l’univers.
Qui sont les élus ? Ceux qui ont vécu selon les béatitudes et ceux qui sont cités dans le texte de Matthieu 25 : c’est-à-dire ceux à qui le Fils de l’homme déclarera, triés comme le berger sépare les brebis des boucs. « Tout ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait ».
La deuxième partie de l’évangile, apparemment, a un ton tout différent. Nous revenons à la vie de tous les jours. Jésus nous parle du figuier qui commence à bourgeonner, et cela tardivement, alors que l’amandier fleurit très tôt. L’été de Dieu est sur le point d’advenir.
Et lui-même, Jésus le Fils de l’homme, nous dit qu’il est proche de chacun d’entre nous, à notre porte. Il vient vers nous. Depuis la venue de Jésus sur la terre et de l’événement de sa mort et de sa résurrection, les derniers temps sont déjà présents. Quand nous parlons de l’action de Dieu, il faut conjuguer les verbes à tous les temps. La liturgie utilise souvent cette acclamation : « Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit, au Dieu qui est, qui était et qui vient. »
Je parle de conjugaison, non pas pour faire de la grammaire, seulement, mais surtout pour nous rappeler que le Seigneur a conclu une alliance avec l’humanité. Dans le Cantique des Cantiques, il est parlé de l’amour de Dieu, comme de l’amour qui unit un homme et une femme, des conjoints.
Les pauvres humains que nous sommes, nous vivons dans le présent, constamment. Le passé, on ne peut pas le gommer ; le futur ne nous appartient pas complétement. Nous avons le devoir de la prévoyance, mais les surprises de l’avenir sont parfois déconcertantes et inattendues, en bien comme en mal.
Ce qui est déjà là, en notre monde, présent et agissant, mais caché, sera enfin dévoilé, révélé. Il vient faire toutes choses nouvelles, ce qui était en germe sera moissonné.
Le Seigneur ne parle pas d’un ailleurs. Il nous donne les vraies dimensions de notre vie, de notre histoire. Dans les événements de notre vie se trouvent les dimensions d’éternité. Le provisoire construit l’éternel. Il s’agit de modeler notre vie, notre monde en les modelant, les pétrissant d’amour. La grâce, c’est l’invitation à choisir sa vie.
Depuis 2000 ans des hommes et des femmes croient à la fidélité de Dieu, malgré les échecs ; ils restent éveillés, attentifs et bienveillants. Et ceci par tous les temps, tous les jours. Ils ne sont pas des héros sans peur et sans reproche. Ils font leur travail, simplement, avec, à l’âme, un grand courage.
Laisser sa porte ouverte. Quelqu’un frappe à la porte, ouvre ta porte, tes bras. Dieu est là. Il croit en toi, il t’espère, quelle que soit la détresse de ton chemin. Vos blessures, c’est ma place, nous dit le Seigneur.
Il s’agit pour nous d’être attentif à ce qui ne demande qu’à naître, à se lever, à grandir. Au souffle subtil de l’Esprit, s’épanouissent les feuilles fragiles et tendres du figuier. Le Seigneur vient pour rassembler les élus, ses aimés, c’est-à-dire les pauvres. « Le Seigneur mène pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. », nous dit S. Paul dans la lettre aux Hébreux.
« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Tout passe, hormis la parole de Dieu.
La guerre dure un temps. Mais la paix est aussi un combat quotidien, à reprendre tous les jours de nos existences. Le véritable combat est celui de la fidélité. Celui de la paix, de la justice. La recherche de la paix est bien plus rude que le combat de la guerre.
Il ne s’agit pas tant d’annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, mais de la recevoir des pauvres eux-mêmes.
À l’issue du jubilé de la Miséricorde, le pape écrivait que désormais chaque 33e dimanche du temps ordinaire serait la Journée Mondiale des Pauvres. Si « les pauvres sont nos maîtres » comme l’a dit Saint Vincent de Paul, c’est que derrière chacun d’entre eux se cache le visage de notre Roi. « La guerre se fait entre les riches pour posséder plus… […]. Les pauvres sont les artisans de la paix. Nous avons besoin de paix dans le monde, dans l’Église, dans toutes les Églises », disait François en novembre 2016. Ces paroles sont, toujours, et durablement, d’actualité.
- Maurice Billet, o.p.