Homélie du frère Rémy Valléjo – Samedi 18 avril 2020
Selon saint Marc,
la Bonne nouvelle est proclamée à toute la Création.
Elle concerne le Cosmos tout entier
et pas seulement quelques « hommes de bonne volonté » à qui les anges, selon saint Luc, annoncent la naissance du Nouveau Né (Lc 2, 13-14),
La Résurrection a une dimension cosmique,
à la mesure d’une Création renouvelée.
Or, c’est dans notre humanité – relevée – que le Cosmos qui est convoqué.
C’est non seulement ce que donne à voir les premières représentations du Ressuscité dans les arts de la Chrétienté.
Mais c’est aussi ce que donne à contempler le retable d’Issenheim,
ce fabuleux polyptique peint en 1512,
par Matthias Grünewald,
et qui d’un volet à l’autre,
dévoile les saints mystères de l’Annoncé, du Nouveau-Né, du Crucifié et du Ressuscité.
Le Ressuscité y apparait dans un ciel étoilé,
auréolé d’un halo de lumière,
ou plus exactement nimbé du spectre de la lumière blanche,
au gré d’une palette de teintes violettes, bleues, vertes, jaunes et rouges qui, transfigurant le linceul des jours de la Passion, dévoile une nouvelle Création.
Cependant,
cettefascinante figure d’humanité qui semble se fondre dans la lumière ne doit point nous tromper.
En effet,
le retable fait actuellement l’objet d’une minutieuse restauration qui révèle, jour après jour, à travers ce que tout restaurateur appelle une « fenêtre témoin »,
que la chair du Ressuscité ne s’y confond pas avec les glacis d’une lumière minutieusement observée,
car elle est très exactement du même incarnat que la chair du Nouveau-Né.
Selon l’art de Matthias Grünewald,
c’est l’incarnat de la chair du Nouveau-Né qui convoque le cosmos tout entier,
manifestant que la Résurrection est une nouvelle naissance,
lorsque la Nativité s’y déploie en Éternité.
Cela nous est peut être difficile à croire,
comme
il est d’ailleurs difficile aux apôtres de croire ce que leur annoncent
Marie-Madeleine et deux hommes qui vont leur chemin (Mc 16, 9 et 12).
Cependant,
plus que jamais,
nous sommes tous convoqués à reconnaître notre propre mystère d’humanité,
lorsque par la grâce du Ressuscité,
« Fils de Dieu » (Mc 15, 39) et « premier né d’entre les morts » (Col 1, 18),
nous sommes tous appelés à accueillir notre propre identité d’enfant de Dieu, coresponsables de sa Création.