Solo Dio.

Homélie du frère Rémy Valléjo – Samedi 9 mai 2020

Aujourd’hui,
l’évangile consonne étrangement avec le « Dieu seul suffit » de sainte Thérèse d’Avila.

En effet,
« il suffit » pour Philippe apôtre de voir le Père.
Ainsi, s’adressant à Jésus, il lui dit : « Montre nous le Père, cela nous suffit. »

Cependant,
au risque de me tromper,
après longtemps médité cet évangile,
ce « Montre nous le père » pourrait non moins étrangement évoquer l’attitude du peuple des Hébreux au désert qui attend d’Aaron qu’il lui montre son dieu – « Voici ton dieu » (Ex 32, 4) – qui n’est guère plus qu’une vulgaire idole : un veau d’or.

Avec la question de Philippe,
nous sommes dès lors sur une étroite ligne de crête,
où le désir légitime de voir « celui que nul n’a jamais vu » risque fort d’obérer sa rencontre en vérité,
tant sommeillent en nous des vestiges d’idolâtrie quand Dieu n’est guère plus que l’image de notre étroit désir ;
un désir bien étroit tant il est parfois mu par mon propre totalitarisme

Or,
l’essence même de la vision de Dieu c’est la rencontre de Dieu lui-même en la personne de Jésus.
C’est précisément ce que confesse saint Jean au seuil de son évangile.
« Dieu, nul ne l’a jamais vu, mais le fils unique qui est tourné vers le sein du Père lui le révèle. » (Jn 1, 18)
Jésus ne nous montre pas le Père,
car tourné vers Lui,
il nous invite à emprunter le chemin qui nous intime à quitter notre étroit désir.

C’est tout le sens de l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine au matin de Pâque,
devant le tombeau ouvert.
La jeune femme cherche en vain « son » Seigneur qu’elle retrouve finalement,
au-delà même de son étroit désir,
comme celui qui monte vers son Père et son Dieu.
« Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17)
La plénitude de la révélation dans la Résurrection l’éveille donc au mystère de la « véritable icône de Dieu » (Col 1, 15)
Car,
en tant que « Chemin, vérité et vie » (Jn 14, 6)
Jésus est la véritable icône du Père.

Selon saint Grégoire de Nysse,
« Voir Dieu, c’est le suivre partout il nous mène ».
Pour Philippe apôtre et tout disciple d’aujourd’hui,
et donc pour moi-même,
voir le Père,
c’est tout simplement consentir à suivre Jésus partout où il nous mène.
Seul ce chemin suffit !

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