Homélie du frère Franck Guyen – Messe d’engagement de 17 laïcs dominicains – Samedi 23 janvier 2021
Mes amis, nous sommes heureux de vous voir ici : c’est l’aboutissement d’un apprivoisement mutuel entre vous et la famille dominicaine : vous vous êtes laissés séduire par nous et nous nous sommes laissés séduire par vous.
– Je me tourne vers vous qui vous engagez à titre temporaire. J’imagine que vous avez le sentiment de remplir encore plus votre vocation de baptisé laïc en empruntant l’itinéraire dominicain et que cela vous rendra heureux. Les années à venir vous permettront de le vérifier, et nous avec vous.
– Je me tourne vers vous qui vous engagez définitivement. J’imagine que vous avez connu des moments de doute, de frustration – « on tourne en rond dans notre frat », « on est trop spirituel », « on est trop intellectuel » -, de désillusion – tel membre de la fraternité vous aura déçu, tel autre vous irrite, et peut-être avez-vous dû avaler une ou deux couleuvres [Mais dites-vous bien que vous aussi vous avez sans doute été source de déception ou d’irritation]. Malgré ces déconvenues, vous avez persévéré.
Sans doute parce que vous avez perçu que quelque chose de plus grand se jouait là, qui dépassait l’aspect humain, trop humain des fraternités et plus généralement de la famille dominicaine – et je crois que c’est l’Esprit saint qui vous l’a révélé.
Mes amis, il y a plusieurs critères pour vérifier que vous prenez la bonne route en vous engageant dans les Fraternités laïques dominicaines.
C’est si vous pouvez dire : « Mon engagement dans ma Frat me fait bouger dans mes raideurs, mes idées fixes, mes enfermements – de quelques millimètres peut-être, mais ces quelques millimètres me sont très précieux, et je me surprends à être plus disponible aux autres, à plus m’oublier moi-même »
C’est si vous pouvez dire : « Depuis que je marche sur le chemin du Christ en compagnie de saint Dominique, je goûte encore plus mes engagements dans la société civile, dans ma famille, avec mes amis, avec mes collègues ; ma pâte humaine gagne en profondeur, en épaisseur ».
C’est si vous pouvez dire : « une sorte de réconciliation, de guérison s’opère en moi sans que je sache vraiment comment – mon regard devient plus bienveillant, je suis plus patient envers autrui et envers moi-même ».
En conclusion, je vous propose ce qui me semble le critère le plus important : c’est si vous éprouvez cette joie spécifiquement dominicaine de servir Dieu dans la prédication. Attention, il ne s’agit pas d’une prédication qui désespère les cœurs et les fait se recroqueviller sur eux-mêmes, non, il s’agit d’une prédication qui les fait s’épanouir comme lorsqu’on arrose des fleurs trop longtemps privées d’eau : nous, les membres de la famille dominicaine, nous prêchons communautairement et individuellement une bonne nouvelle : la grâce de Dieu manifestée en Jésus Christ, et nous la prêchons à un monde qui est aimable, quoi qu’en disent les cathares du temps de Dominique.
Voilà la joie à deux faces qui caractérise, me semble-t-il, la famille dominicaine depuis notre patriarche saint Dominique : la joie de prêcher la grâce, la joie de recevoir la grâce de prêcher, communautairement et individuellement : gratia praedicationis et praedicatio gratiae en latin.
Mes amis, il y a une joie spécifiquement dominicaine qui nous rend libres et heureux dans ce monde où Dieu nous a placés comme laïcs ou comme consacrés. Je vous souhaite de la goûter toujours plus.