Homélie du frère Benoît Ente – Dimanche des Rameaux
Chers frères et sœurs, aujourd’hui, alors que nous entrons dans la semaine sainte, nous commençons par acclamer notre roi. Ou plutôt un anti-roi. Il n’a ni habit rutilant ni armée derrière lui. Pour tout signe d’honneur, il a choisi un petit âne et des branchages trouvés aux alentours. Mieux qu’un roi, c’est un fils qui vient pour sauver ses frères et leur redonner la vie. Avec lui marchons sans peur jusqu’à la croix pour avec lui ressusciter.
Jésus, guérisseur, faiseur de miracle, maître de la mer et des démons est acclamé par le peuple comme son roi. Jésus, défiguré et souffrant, crucifié comme un esclave est rejeté par ce même peuple. La réaction de ces hommes n’est-elle pas une image de nos propres contradictions ? Quand le chemin de la vie nous apporte bienfaits et réjouissance, nous louons Dieu à pleine voix. Quand le chemin de la vie devient pierreux et douloureux, nous nous rebellons contre l’auteur de la vie. Cela semble naturel, humain.
Dans le récit de la passion, une chose me frappe : Jésus garde la maîtrise des événements d’un bout à l’autre de l’histoire. Il n’est pas piégé, c’est lui qui piège la mort à son propre jeu. Jésus marche vers sa croix d’un pas décidé parce qu’il a fait deux choix fondamentaux, deux choix assumés qui rendent cette croix inévitable.
Tout d’abord, Jésus fait le choix de ne pas se dérober face à ses adversaires. S’il se cachait, comment ses ennemis pourraient-ils réaliser ce qu’ils sont en train de faire et se convertir ? Ils seraient condamnés à finir dans leur aveuglement. Non, Jésus reste fidèle à la volonté du Père qui veut que tous les hommes soient sauvés y compris ceux qui l’accusent, ceux qui lui font violence. Alors Jésus refuse la fuite et prend le risque de s’exposer.
Un deuxième choix conduit Jésus inexorablement à la croix : il refuse de répondre à la violence par la violence. Cela nous semble étrange aujourd’hui où trop souvent les relations se traduisent en rapport de force, en bras de fer sur le plan interpersonnel et international. Rien de cela avec Jésus. Comme un agneau sans défense, il n’oppose aucune résistance à ceux qui l’arrêtent, à ceux qui l’accusent, à ceux qui l’humilient. D’ailleurs, tout le monde s’étonne de son silence. Désormais, ce n’est plus à lui de répondre, mais à son Père. Jésus remet entre les mains du Père le soin de témoigner pour lui, de rendre justice à sa vie qui n’est qu’amour, pardon et don de soi.
Quand Jésus fait le choix d’affronter ses adversaires dans la douceur, il fait la volonté du Père et nous montre le chemin de notre guérison, de l’unité de notre être, le chemin de la paix. Quand le mal nous atteint, Jésus crucifié nous donne la force de continuer à croire au Dieu d’amour. Il nous permet de résister à toute volonté de vengeance contre les hommes ou contre Dieu. Il nous conduit à aimer, uni au Père, jusqu’au bout comme lui Jésus l’a fait. Et par ce geste, s’ouvrent en nous et dans le monde, bien larges, les portes du paradis.
Amen
Il y a un an pour réaliser une des vidéos de CDLV, nous sommes allés dans une colloc Lazare située à deux pas d’ici à Marcq-en-Baroeul. Lazare, ce sont des collocs qui réunissent dans une même maison des gars qui sont passés par la rue et des volontaires. Là-bas nous avons interviewé Teddy et Thierry qui a connu la rue. Au cours de l’interview, Thierry nous a raconté qu’il avait eu un accident avec une machine agricole et il s’est coupé la langue. Il nous a dit qu’il avait beaucoup souffert. Et pendant qu’il souffrait il s’est accroché à Jésus, il n’a cessé de penser à lui. « Tu as souffert, je souffre, tu es là avec moi. » Il a trouvé en Jésus la force de traverser sa souffrance, son épreuve.
Vous voyez, la croix c’est pas compliqué. C’est pour venir en aide à Thierry que Jésus est allé jusqu’à la croix. À Thierry et à tous les Thierry de la terre.
Aujourd’hui, avec la pandémie, de nombreuses personnes souffrent de l’isolement, des angoisses face à l’avenir sans parler de ceux qui ont perdu leur emploi ou qui risquent la faillite. Avec le réchauffement climatique, le nombre de personnes qui souffrent va aussi certainement augmenter. Avec une société fondée sur une idéologie matérialiste-consumériste, nous savons que nous allons au-devant de grandes souffrances. Mais dans chaque personne qui souffre, c’est le Christ qui souffre en elle. Elles communient au Christ par leur souffrance et le retrouvent le jour de leur mort. Comme le Lazare de la parabole justement. On ne nous dit rien sur sa foi. On sait juste qu’il souffrait, que, pour seul soulagement, les chiens lui léchaient les plaies. Cet homme est monté directement dans le sein d’Abraham au paradis. Il en sera de même pour tous les souffrants de notre époque. C’est cela la Bonne Nouvelle que nous avons à annoncer. C’est pour cela que Jésus a marché jusqu’à sa croix.