Locus de contrôle interne
Dans la vie, je ne sais pas si vous avez remarqué, il y a des gens qui croient que tout dépend d’eux. Ils croient que leurs échecs et leurs succès dépendent des choix qu’ils ont posés. Pour Rotter, dans les années 1950, ces personnes ont un locus de contrôle interne. Ils croient que ce qui contrôle leur vie se trouve à l’intérieur d’eux. Souvent on dit que ces personnes sont de bons responsables, qu’ils prennent des initiatives, qu’ils prennent les choses en main…
Et bien ce discours de Jésus est pour eux.
En effet, avec cette parabole, Jésus nous met devant un choix. Est-ce que votre vigne porte du fruit ou pas ? Est-ce que vos branches sont connectés au tronc ou est-ce qu’elles ne servent à rien ? En effet, on ne peut rien faire avec des branches de vignes, à part des sculptures, alors on les brûle.
Jésus nous répète deux fois cette alternative entre le fruit et le feu, entre le fait d’être connecté ou coupé de Dieu. Et cette répétition nous met devant nos responsabilités, devant nos choix.
Nous pouvons nous demander quel est le choix que je dois poser ? Quel est le fruit que je suis appeler à porter ? de quelle manière puis-je me lier au tronc ? Qu’est-ce qui me rend bon et heureux en Dieu ?
Locus de contrôle externe
Mais dans les années 1950 Rotter faisait remarqué qu’il y a aussi beaucoup de gens qui pensent que leurs succès ou leurs échecs ne viennent pas d’eux. Si ça marche, c’est à cause du hasard, des déterminismes sociaux, c’est à cause du système, des marchés, de l’Etat, des évêques… Si les premiers étaient de bons dirigeants, cela sont de bons exécutants qui vivent dans un cadre donné.
Et bien l’Evangile d’aujourd’hui est pour eux.
En effet Jésus insiste énormément sur la présence de Dieu en nous : Dieu demeure en nous, comme nous demeurons en lui. Sans le tronc, les branches ne portent pas de fruit. Sans Dieu, nos vies ne portent pas de fruit. Nos fruits, nos succès, viennent de cette sève qui coule en nous, mais qui vient d’au-delà de nous, qui vient de Dieu.
Quand nous lisons ce texte, nous rendons grâce à Dieu pour la sève qu’il fait couler en nous, pour la vie qu’il nous donne pour les fruits qu’il nous offre.
En effet, le même texte biblique peut être interprété par des visions du monde contradictoires. C’est ce qui permet une si grande diversité dans l’Eglise. Mais peut être que ces contradictions apparentes, mises en relief par la psychologie positive, nous aident à cerner la tension et le message de ce texte.
Le flux
Je vous propose maintenant un autre auteur de psychologie positive : Csikszentmihalyi. Il ne s’intéresse pas tellement à la personnalité des personnes, contrairement à Rotter. Il s’intéresse plutôt à leur bonheur. Depuis 40 ans il interroge des gens heureux et des créatifs pour leur faire décrire leurs moments de bonheur. Ces moments de bonheurs, il appelle ça des moments de flux, comme si on était sur une rivière, je dirais aujourd’hui comme si on était connecté à la sève de la vie qui coule.
Et il remarque que les gens vivent ces moments de flux quand ils font quelque chose, quand ils sont actifs. Alors, ils sont particulièrement concentrés. Ils oublient le temps qui passe, ils ont tendance à se confondre avec leur travail. Et s’ils arrivent à cet état, c’est que leur activité est intéressante, qu’elle leur donne de la satisfaction en permanence, qu’elle contribue à atteindre un but clair, difficile mais réalisable et surtout motivant. Dans ces moments, ils ont l’impression de contrôler ce qu’ils font.
C’est un peu paradoxal. D’après Csikszentmihalyi, pendant ces activités qui sont de vrais instants de bonheurs, nous avons l’impression de contrôler ce que nous faisons, et en même temps nous perdons le contrôle du temps, voir de qui nous sommes.
Etat de grâce
Ce qui a attiré mon attention vers Csikszentmihalyi, c’est qu’une manière profane de parler de ces moments de flux, c’est d’en parler comme d’états de grâce.
Or vous le savez, la grâce, c’est le don de l’Esprit Saint. Un état de grâce, c’est un moment de notre vie ou la grâce, le don de l’Esprit Saint est particulièrement en nous.
Or n’est-ce pas de ça que nous parle Jésus aujourd’hui. Quand nous sommes connectés à lui, lui habite en nous et nous habitons en lui. La lettre de saint Jean va même plus loin : non seulement il habite en nous, mais il se donne à nous puisqu’il nous donne son Esprit Saint. Nous portons du fruit et ce fruit il a du goût, c’est ce qu’on appelle les grâces sensibles.
Peut-être que les instants de bonheurs dont nous parlent Csikszentmihalyi sont vraiment des grâces sensibles, pendant lesquelles nous vivons de la grâce, de l’Esprit Saint, qui nous Grâce et liberté
Et alors, est-ce que ça dépend de nous ? C’est tout le débat entre grâce et liberté. Saint Thomas disait que la grâce est à la liberté ce que la forme est à la matière. Les actes libres que nous posons pour notre bonheur, pour l’amour de Dieu et du prochain, dépendent à la fois de nous et de Dieu.
Ainsi, quand dans les Actes, les Apôtres décident de pardonner à saint Paul et à leurs persécuteurs, ils sont réconfortés par l’Esprit Saint. Et quand, dans la première lettre de Jean, nous aimons par des actes et en vérité, nous appartenons à Dieu. Quand nous gardons ses commandements il nous donne son Esprit Saint.
Nous pourrons faire l’enquête : qu’est-ce qui caractérise les moments de bonheur d’un chrétien ? On pourrait commencer par notre vie : quand sommes-nous profondément heureux ? N’est-ce pas l’amour donné, le soin, la bienveillance, le pardon…
Alors chers frères et sœurs, habitons en Christ et laissons-le habiter en nous pour porter du fruit, pour la plus grande gloire de Dieu.