Homélie du frère Philippe Verdin – Dimanche 3 octobre
Jésus est sommé de répondre à des interrogateurs malveillants.
Des roublards veulent le coincer. La question qu’ils lui posent ne concerne même pas une histoire d’adultère, de plombier surpris dans le lit conjugale, Ciel, mon mari ! Dans cette question cynique, les femmes sont traitées avec un mépris qu’on n’aurait pas pour de la marchandise : « Peut-on renvoyer notre femme selon notre bon vouloir ? » Genre garantie Darty, si la machine à laver ne frotte pas bien mes caleçons, ou si la couleur ne me plait plus, ou si elle fait trop de bruit, je la renvoie, sans avoir à justifier ma décision, « pour n’importe quel motif. » Ce n’est pas le vaudeville, c’est la femme-déchet.
Jésus ne répond pas à la question des machos qui se croient malins. Jésus parle de Dieu, de l’homme libre et de la femme libre ; Jésus parle de l’amour. Soudain on respire : quelle largeur, quelle hauteur ! Ça fait du bien. Jésus en deux phrases récapitule le dessein de Dieu : il remonte jusqu’à Adam et Eve… et parle aussi de chaque couple : « tous deux deviendront une seule chair. »
« Tous deux deviendront une seule chair ». Le mariage n’est donc pas un pacte, un contrat. On n’est pas chez Darty. Chez Darty, l’engagement est provisoire. Il se limite au choix d’une machine à laver ou d’un toaster. Bref, il ne concerne pas les aspects importants de la vie, il n’est pas un engagement pour l’éternité. Il ne réclame pas le don de soi.
« Tous deux deviendront une seule chair ». Devenir un ce n’est pas non plus la fusion totale. Le chemin ouvert par le mariage n’est pas celui de la mixtion indescriptible, le magma informe ou chacun se dilue dans la personnalité de l’autre. Il s’agit d’union, pas de fusion, pas de confusion. Il s’agit d’union, c’est-à-dire de communion. Après son mariage, Thérèse ne va pas soudain mettre des nœuds papillon. Antoine ne va pas porter de décolletés.
La communion, ce n’est pas l’imitation servile de l’autre, la dissolution de ma personnalité dans celle de l’autre. Certes, il y a bien métamorphose, mais ce changement profond révèle à chaque conjoint qui il est, il réveille le meilleur.
L’amour vient de Dieu. L’amour peut tout, l’amour nous transforme et nous rend meilleur, l’amour dilate notre vie et toutes nos potentialités.
Bien sûr, il y a des mariages difficiles, des zones de turbulences, des unions ratées, des couples où s’installent la lassitude, l’agacement, l’incompréhension, la mesquinerie, la haine. Oui, oui, on est au courant. Quand je prépare des amoureux au mariage, je leur demande : « Y a-t-il un couple autour de vous qui pourrait vous servir de modèle ? » souvent, ils citent les grands-parents. Ils ont traversé les tempêtes, au bout de cinquante ans de mariage ils sont toujours là, l’amour fou s’est transformé en tendresse vigilante, ils sont complices, pudiques, rayonnants.
Le mariage est un avant-goût, un résumé de notre destin. Nous aussi, un jour, nous ne ferons plus qu’un, tous ensemble, en Dieu. Ce sera la communion parfaite. Nous serons irradiés par le soleil et l’amour de Dieu.