Homélie du frère Nicolas Burle – 4e dimanche de l’Avent – 19 décembre 2022
Frères et sœurs,
Vous connaissiez probablement cette scène célèbre de l’évangile que nous venons d’entendre : la Visitation. Si vous venez aux vêpres du couvent, vous savez que nous chantons chaque soir à 19h le Magnificat, le chant de joie de Marie en réponse à la salutation d’Elisabeth.
Mais peut-être ne connaissez-vous pas la fin de l’histoire ? Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Comment est-ce possible que nous ne sachions que cela ?
Nous savons que Marie s’est mise en route avec empressement juste après l’Annonciation. Nous savons qu’elle est partie constater que l’ange Gabriel avait dit vrai : « voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » C’est sur cette parole que Marie a donné son consentement.
Nous savons que ces rencontres, celles de l’ange et d’Elisabeth ont été si importantes, si décisives, que nous méditons encore les mots de l’ange et d’Elisabeth dans chaque Je vous salue Marie. Et pourtant, nous ne savons rien des trois mois qu’elle a passé auprès d’Elisabeth. Nous ne savons pas non plus comment elle s’en retourna chez elle. Comme s’il était si évident de rentrer chez soi.
Nous croyons souvent que le plus dur est de partir. Nous croyons souvent que le plus dur dans nos choix est d’oser poser le premier pas. Mais je crois que le plus dur est de savoir finir et de savoir rentrer chez soi. Rentrer alors que nous préfèrerions prolonger. Surtout quand la joie a été aussi éclatante que dans cette Visitation. Rentrer alors que nous finissons peut-être avec des remords et des regrets. Car toutes nos rencontres n’ont pas la qualité de cette Visitation. Rentrer alors que nous ne savons peut-être plus exactement où se trouve ce « chez nous ». Car un autre lieu, d’autres personnes sont entrées dans notre cœur. Définitivement.
Dans notre assemblée, nous accueillons 15 volontaires Dom&Go. 2 sont à Lille depuis septembre : John Carlo et Gabriel. 5 se préparent à partir au Cameroun et au Zimbabwe : Alix, Colombe, Agathe, Marie-Amélie et Paul. 8 rentrent de mission : Cyriane, Sigolaine, Lorène, Mathilde, Camille, Marie, Amaury et Benoît.
On croit que le plus dur est de partir mais certains d’entre eux savent maintenant que le plus dur est de durer. On croit que le plus dur est de partir mais certains d’entre eux savent maintenant que le plus dur est de rentrer. Différent. Définitivement.
Alors que faire si vous ne pouvez pas partir avec Dom&Go ? Pas de panique car j’ai un exercice pour vous. L’année 2021 va bientôt s’achever. Nous croyons souvent que le plus dur est de prendre des résolutions de nouvelle année et de les tenir. Je crois que le plus dur est d’oser faire le bilan de son année. Oser rentrer en soi pour faire la récolte. Dans votre récolte, vous trouverez des fruits sucrés, ces joies qui durent et ne passent pas, ces joies qui viennent de Dieu. Mais aussi des fruits amers, tout ce qui a été difficile à avaler, ces épreuves qui vous ont éprouvés et fragilisés. Oser alors reconnaître que même dans les plus grandes joies, un peu d’amertume a pu se glisser. Et que même dans les plus grandes amertumes, il y a eu tout de même de la joie. Oser assumer toute l’histoire : joie et amertume. Réussite et échec. Vie et mort. Seuls les enfants disent qu’ils ont vécu une journée pourrie ou trop cool. Les adultes ont appris que la vie est plus subtile que cela.
Je me plais à imaginer que la Vierge Marie est revenue de ses 3 mois de mission dans le même état qu’un volontaire Dom&Go : épuisée et heureuse. Heureuse d’avoir été à sa place, au service. Épuisée, dépouillée car elle a tout donné à son prochain. Morte de fatigue et en même temps témoignant d’une vie plus forte que la mort. L’intensité de sa joie témoigne de l’intensité de la vie du Christ plus fort que la mort. L’intensité de sa joie témoigne de l’intensité de la sainteté que Marie connaît à chaque instant et que nous touchons du bout du doigt dans les vraies joies de notre vie. Quand nous nous donnons pleinement.
Alors, j’ai dit : « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. »