Homélie du frère Raphaël de Bouillé – Dimanche 6 février 2022
Je ne sais pas si vous avez été touché comme moi par la première lecture et l’évangile. Dans les deux cas, un homme est frappé par la rencontre d’un être saint, d’un être pur, d’un être glorieux, et il est mis face à son péché, sa souillure et sa honte. Dans les deux cas, il est aimé, libéré, espéré et appelé à une vocation sainte. Face à son péché, il fait une expérience typiquement chrétienne, typique évangélique, celle d’avoir été aimé infiniment plus qu’il ne l’imaginait. Je vous dis la même chose de manière plus théologique, le péché est toujours un acte volontaire mauvais dont on sait qu’il est mauvais, et en même temps, ce dont le Christ nous libère par amour, par le don de sa vie sur la croix. On ne peut comprendre de manière évangélique le péché que en le pensant en même temps comme faute et comme ce dont le Christ nous libère par amour. Un mystique américain dit qu’en Jésus Christ, nous sommes infiniment plus pécheur que nous ne le pensons, et infiniment plus aimé que nous ne le croyons.
J’en arrive au problème du jour, car il y a un problème : il y a deux choses qui ressemblent à l’Evangile, au christianisme, mais qui ne le sont exactement pas. Je vais leur donner un nom : le christianisme du bien-être et le christianisme de la culpabilité. Ça ressemble à l’Evangile de Jésus, comme des baies rouges en forêt ressemblent à des fruits comestibles alors qu’elles sont des poisons :
Le christianisme de la culpabilité voit notre vie chrétienne entièrement sous l’angle du péché, et parce que nous sommes pécheurs, nous devons réparer. Le grand moteur de notre vie, c’est la culpabilité devant Dieu. Et comme nous échouons à bien réparer, nous sommes encore plus coupable. C’est un monstre théologique, qui suce le sang et la joie du chrétien.
Le christianisme du bien-être : Dieu nous aime, il a donné sa vie pour nous et plus rien n’a d’importance. « Sentez-vous bien avec Dieu et avec vous-mêmes, tout cela n’a pas d’importance ». Nous sommes comme des enfants dans un parc à jouet, que l’on range ses joues ou qu’on les jette à la figure des autres enfants, il y aura toujours une personnes gentille pour nous séparer, nous consoler et nous aimer. C’est de nouveau un monstre théologique qui nie la fécondité des choix de vie que nous allons faire.
Ces deux monstres qui ressemblent à la foi chrétienne : christianisme du bien-être, nous sommes aimés d’une telle manière que nous ne sommes plus responsables de nos actes. Dans le christianisme de la culpabilité, nous sommes pécheurs d’une telle manière que nous en sommes pas aimés et que nous devons acheter l’amour. Le piège se manifeste ainsi : un chrétien du bien-être, quand il entend que nous sommes infiniment plus pécheurs que nous ne le pensons, il pense que nous sommes des chrétiens de la culpabilité. Et quand un chrétien de la culpabilité entend que nous sommes infiniment plus aimés que nous ne le croyons, il pense que nous sommes des chrétiens du bien-être. Or être chrétien, c’est savoir, comme Isaïe et Pierre ici, mais aussi Zachée, que nous sommes infiniment plus pécheurs que nous ne le pensons, et infiniment plus aimé que nous ne le croyons.
Trois fruits pour nous : ne pas avoir peur d’être pécheurs. « Seigneur, je te donne la permission de me dire ce que je n’ai pas envie d’entendre. » On peut faire cela en couple, mais pas trop souvent. Dieu ne nous écrasera jamais de ce qu’il nous dit, car il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Ne pas avoir peur d’être aimé. Les personnes qui ont été trahis dans leur vie ont du mal à se laisser aimer par le Christ, car elles ont peur d’être trahis à nouveau. Plus encore, nous savons que l’amour de Dieu va bouleverser nos vies et nous pouvons en avoir peur. Pourtant, c’est ce que nous désirons le plus. Ne pas avoir peur d’être envoyé. C’est ce qu’il y a de plus beau, et Dieu a les moyens de ses projets. Je pense à un volontaire de Dom&Go qui servait auprès d’un homme repoussant et c’était trop dur. Par politesse, il le fréquentait, mais dès qu’il pouvait l’esquiver, il le faisait. Pourtant, un jour, ce monsieur va vers lui et il n’a pas moyen de s’esquiver. Et il lui dit : « vous êtes la seule personne qui me regarde comme une personne humaine ». Souvent, nous ne savons pas la fécondité des actes de charité que nous posons.
En Jésus Christ, nous sommes infiniment plus pécheurs que nous ne le pensons, nous sommes infiniment plus aimés, que nous ne le croyons, et nous sommes infiniment plus espérés, que nous ne l’espérons.