Bénis

Homélie des frères Emmanuel Dumont et Philippe Verdin – Dimanche 13 février 2022

1.1        Dessinez-moi le bonheur

<frère Emmanuel> Est-ce que vous pouvez me dessinez le bonheur ?

Qu’est-ce que vous avez envie de dessiner ?

Moi j’ai envie de dessiner un arbre. Un arbre, c’est solide, c’est calme, c’est en paix, c’est hospitalier : plein d’animaux viennent s’y protéger de la pluie ou de l’ombre. Et si j’avais peur de la sécheresse, je dessinerai même un arbre prêt d’un ruisseau, qui n’a jamais de problème d’eau. Un arbre qui donne du fruit. Un peu comme l’arbre du jardin d’Eden, comme l’arbre de la Cité Sainte à la fin de l’Apocalypse, ou comme l’arbre dont nous parlent Jérémie et le psalmiste aujourd’hui. Je voudrais être heureux comme un arbre…

Un arbre, il possède la terre, il est ancré dans la terre, comme on sera ancré dans le Royaume, dans l’amour de Dieu. Un arbre dans une bonne terre, il est rassasié de sels minéraux, et lorsqu’il porte du fruit, il nourrit les passants, il rassasie les siens. Et puis, écoutez les arbres quand il y a un peu de vent qui les chatouillent : ils sont joyeux et ils rient, voire, il applaudissent.

On se rapproche du portrait du bonheur que Jésus dresse. D’ailleurs, pour Jésus, quand il dit « heureux », ce n’est pas seulement une promesse. C’est une bénédiction – les anglais disent « blessed » – une bénédiction qui dure toujours, une bénédiction pour le présent et le futur.

C’est bien le sens de la résurrection de la chair dont parle saint Paul : Qu’est-ce que c’est que cette chaire qui ressuscite, sinon que cette partie de nous qui peut rire, qui peut exulter, qui peut communiquer, qui peut aimer.

1.2        Problème 1 : le bonheur des pauvres

Mais si la Bonne Nouvelle était si simple à vivre, ça se saurait ! Si la promesse du Royaume était construite comme une promesse marketing, il y aurait sûrement plus de croyants.

Et justement, ce texte est bizarre : pourquoi Jésus ne bénit-il que les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent et les persécutés ?

Personnellement, je ne sais pas. Alors j’ai regardé comment Ambroise de Milan prêchait sur ce texte devant la cour impériale à Milan (des riches). 

Jésus nous propose un chemin vers le bonheur, une échelle spirituelle : Bénis les pauvres, quand il ont choisi la pauvreté, bénis ceux qui savent contenir leurs envies, ceux qui pratiquent la tempérance, (on dirait la décroissance aujourd’hui). Bénis ceux qui ont faim, ceux qui sont solidaires des vrais affamés, Matthieu précise, ceux qui ont faim de justice. Oui, bénis ceux qui cherchent la justice ! Bénis ceux qui pleurent. Là, Ambroise pleure ses péchés, et il pense que c’est plus prudent de pleurer ses péchés en cette vie pour qu’ils nous soient pardonnés dans l’autre vie. Je dirais plutôt, bénis ceux qui pleurent, ceux qui sont sensibles, ceux qui sentent les choses, ceux qui comprennent les gens pour pouvoir vraiment les aimer ! c’est ça la vrai prudence. Heureux les persécutés, oui, heureux ceux qui ont la force de supporter la persécution et l’épreuve.

La tempérance, la justice, la tempérance et la force, c’est quatre trais de caractères sont les premières marches de notre bonheur, les premières marches de notre vie chrétienne.

1.3        Problème 2 : le malheur des riches

Les béatitudes sont un chemin, ok, mais pourquoi Jésus maudit-il les riches, les rassasiés, ceux qui sont heureux et reconnus ?

En fait, Jésus, je ne crois pas qu’il maudisse tout ce beau monde. Il n’utilise pas le même mot que Jérémie, qui lui invoque la malédiction sur les incroyants. Jésus, en grec, dit « ouaïe », peut être qu’en hébreux, il aurait dit « ala ». Les anglais, ils disent « wouaou » (woe). Je ne crois pas que Jésus maudisse ceux qui sont trop riches ou euphoriques. Je crois qu’il les plaint. 

Il les plaint comme il plaint les pharisiens qui sont purs à l’extérieur et pourris à l’intérieur : ouaïe les pharisiens (Lc 12). Il les plaint comme il plaint les habitants de Chorazim qui ne croient pas malgré les miracles : ouaïe les incrédules (Lc 10). Parce que ce qui est au cœur, c’est bien la foi.

1.4        Problème 3 : la foi

<frère Philippe> Mais pouvons-nous avoir confiance en Dieu dès maintenant, dans notre vie ici-bas, dans notre quotidien ? Pouvons-nous être sûr qu’il nous béni et nous comble ? Comme croire que notre foi est légitime ?

 D’abord en guettant les signes que Dieu nous donne. Il nous faut cultiver un sixième sens pour voir Dieu à l’œuvre en ce monde. La forêt qui pousse ne fait pas de bruit. Le bien qui transforme lentement le monde à la manière d’un ferment ne fait pas de bruit ni d’effet spectaculaire. Les réconciliations autour de nous, les initiatives de paix autour de nous, le souci de comprendre l’autre dans notre quartier, de se mettre à sa place, la recherche de dieu, la recherche de la beauté, tous les gestes d’amour inattendus. Oui Dieu est à l’œuvre en nous et autour de nous. Dieu fait des merveilles. Je peux avoir confiance en un Dieu qui m’émerveille !

L’autre moyen d’être sûr des promesses de Dieu, c’est d’écouter ce que dit notre cœur. C’est ce que Gandalf dit à Frodon, c’est que st Augustin enseigne : ouvre l’oreille de ton cœur, ton auris cordia : que te dis ton cœur ? N’as-tu pas le cœur tout brûlant quand tu suis le Seigneur ?

La question est bien de se faire un trésor dans le ciel dés ici-bas en travaillant à l’avènement du Royaume, mais les manières sont tellement différentes pour chacun d’entre nous ! On peut chanter maintenant tout en étant un affamé de justice et un pauvre. Ce fut le cas de saint François d’Assise, amant de dame pauvreté et l’homme de la joie parfaite. On peut être heureux maintenant ! Á condition – et c’est l’essentiel – de vivre dans l’amitié avec Dieu. C’est ça le secret. Louis de Funès disait : « Jésus-Christ est le radieux compagnon de chaque instant de ma vie ». Qu’il en soit ainsi pour nous : alors nous rirons sur la terre comme au ciel. 

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