Homélie du frère Nicolas Burle – 8e Dimanche du Temps ordinaire – 27 février 2022
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ;
jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit.
Ce verset semble donner un critère simple, évident, de discernement. Cependant, ce verset a été aussi utilisé pendant des années pour défendre, parfois de bonne foi, des personnes, des communautés dont les fruits semblaient magnifiques. Et dont l’ampleur des abus en tout genre nous consternent aujourd’hui.
Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit.
Mais de quel fruit parlons-nous ?
Un de nos professeurs de Bible à Lille, nous rappelait régulièrement que Dieu rend visible ce qui est visible et que personne ne veut voir. Un pauvre se tient à la porte de la ville depuis des années, la foule passe sans le voir, seul Jésus s’arrête pour le sauver. Ce que l’on ne veut pas voir, c’est le pauvre. Ce que l’on ne veut pas voir aussi, c’est le péché de la foule égoïste.
Dieu rend visible ce qui est visible car il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Lutter contre notre aveuglement, c’est d’abord enlever la poutre de la lâcheté, de l’hypocrisie, du qu’en dira-t-on ? C’est faire preuve de courage pour voir les choses telles qu’elles sont.
Dieu rend visible ce qui est visible et que personne ne veut voir.
Cela signifie que Dieu nous révèle les fruits réels au-delà des fruits apparents.
Oui dans tant de lieux de notre monde, pas seulement dans l’Église, les fruits apparents sont si beaux. Mais c’est une ruse habituelle du malin de se présenter en ange de lumière. Tant de fruits de réussite sont en fait nocifs. Car ils ont été obtenus au prix de la contrainte, de l’emprise, au prix de l’épuisement de la santé physique et psychique des membres.
Ce travail de vérité que nous menons dans l’Église, nous sommes appelés à le mener aussi dans notre société. Autrefois dans les mines de charbon on emportait des canaris pour détecter les gaz toxiques qui les tueraient avant les hommes. Si le canari meurt, il faut remonter rapidement à la surface. Qui sont les canaris dans notre société ? Ceux qui révèlent par leur malaise et leur mort le manque d’oxygène de notre société ? Je crois que ce sont les jeunes. La multiplication des maladies psychiques et des suicides ces derniers mois devraient nous affoler. Mais cela ne se voit que si l’on regarde. Qui se lèvera parmi nous pour prendre soin de ces jeunes ?
La mort a été engloutie dans la victoire, dit l’Ecriture.
Voici le premier remède : le Christ ressuscité est vainqueur de la mort. Dieu est plus puissant que toutes les forces de mort. Seul le Christ nous donne la victoire. Seul le Christ est notre maître de vie. Le disciple n’est pas au-dessus du maître signifie que nous sommes tous disciples du seul vrai maître. Tous ceux qui ont une responsabilité dans l’Église et dans notre société, tous ceux qui sont candidats à une responsabilité sont des disciples comme nous et non des maîtres.
Voici le second remède. Une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Quelle est cette bonne formation ? La formation du serviteur, à l’image de notre maître le Christ.
Nous avons chacun des responsabilités : dans la famille, dans le travail, les engagements associatifs, dans l’Église. Comment exerçons-nous cette responsabilité ? C’est si facile de croire que nous faisons cela dans un esprit de service. Mais il existe trois critères de vérification.
Sommes-nous seuls pour décider ou est-ce que quelqu’un a un droit de regard ?
Est-ce que je prépare la transmission de ma responsabilité ? Quand je m’en irai, qu’est-ce qu’il restera ? Rien si je n’ai pas formé d’autres disciples.
Est-ce qu’il y a une fin de mandat bien identifiée ? Cela nous permet de ne pas nous prendre pour le maître éternel.
Si un service, n’importe lequel, grand ou petit, est accaparé par une personne ou un petit groupe, alors l’arbre ne pourra pas donner de bons fruits. Car l’arbre est menacé de pourrissement.
Si je transmets à d’autres personnes ce service, n’importe lequel, grand ou petit, alors l’arbre pourra donner de bons fruits. C’est-à-dire des fruits durables.