Homélie du frère Raphaël de Bouillé – Dimanche 20 août 2023
« Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Nous sommes sans doute, vous et moi, mal à l’aise avec cette parole de Jésus. Jésus parle à une femme, étrangère, en la comparant à un petit chien. Certes, il y a le mot « petit », sans doute affectueux, mais le mot « chien » nous évoque un visage du Christ que nous ne reconnaissons pas. De même, le mot « jeter » nous entraîne dans un monde qui n’est pas celui du Christ. Nous sommes mal à l’aise, et l’évangéliste Saint-Luc, païen lui aussi, comme l’était cette femme, a choisi de ne pas garder ce passage dans son évangile. Païen parlant aux païens, la marche était un peu haute. Il y a deux erreurs pour nous. Jésus ne refuse pas ce miracle parce qu’elle serait une femme. Jésus a déjà guéri des femmes dans cette évangile. Jésus ne refuse pas de guérir sa fille parce qu’elle serait étrangère, car Jésus a guéri l’esclave païen, d’un centurion lui-même païen. C’est en fait une question de lieu et de miracle. Je vous le rappelle, les miracles sont des actions extraordinaires de la bonté de Dieu, qui visent à réveiller la foi de ce qui en ont un tout petit peu. Ces miracles enfreignent les lois de la physique, que Dieu a lui-même créé, pour un bien particulier. Ils visent à libérer les enfants d’Israël d’une forme de schizophrénie spirituelle qui touche encore beaucoup de catholique aujourd’hui : nous avons, vous et moi, des défunts dans nos familles. Par la foi, spécialement le jour de Pâques où nous fêtons la résurrection du Christ, nous espérons dans la résurrection de nos défunts. Ainsi, nous croyons pour nos défunts à un acte de puissance extraordinaire de Dieu, mais dans la vie ordinaire, nous pouvons vivre – au moins moi – des journées entières sans compter sur l’action de Dieu, sans compte qu’il puisse agir et changer le cours des choses. Les miracles de Jésus manifestent que Dieu règne effectivement en Israël, et que les juifs ont raison de compter sur le Règne de Dieu. Ces miracles manifestent que Jésus vient tenir les promesses de l’Ancien Testament pour Israël. Vous le comprenez, ce n’est pas le moment pour cette femme de voir des miracles. La foi arrivera plus tard à Tyr et à Sidon, comme les Actes des Apôtres le racontera. Il y a peut-être pour nous une légère déception à cette conclusion. C’était juste cela. Elle ne peut voir ces miracles car ce n’est pas encore le temps pour elle. Il y a en fait plus, plus qui ont conduit Marc et Mathieu a gardé ce passage : c’est l’émerveillement de Jésus. Cette femme qui avait tout pour être écrasée par l’inquiétude, a une liberté spirituelle de fille de Dieu. Quand Jésus utilise l’image des enfants et des petits chiens, plutôt que d’être écrasée par l’image, elle a cette audace stupéfiante fruit d’une vraie liberté spirituelle, de retourner l’image à son profit. C’est le signe qu’elle comprend, qu’elle intègre et qu’elle utilise cette liberté de fille qui vient de Jésus. Nous avons la liberté d’être facétieux avec Dieu, nous avons la liberté d’être taquin, sans pour autant toucher à la révérence divine. Les saints nous montrent cette liberté spirituelle qui vient de Dieu. Catherine de Sienne pratiquait la prière de siège. Elle disait à Dieu qu’elle allait prier jusqu’à ce qu’il l’exauce. Thérèse de Lisieux, jeune carmélite s’endormait pendant l’oraison, jusqu’à avoir cette réflexion : quand leur nourrisson s’endort, les parents ne les aiment pas moins parce qu’il dort. Dieu ne doit pas moins m’aimer parce que j’ai besoin de dormir. Ne pas mettre de condition à mon repos en Dieu. Ne vous laissez pas écraser par les soucis, les inquiétudes ou les problèmes. Dieu est assez libre pour qu’on joue avec lui. Comme un fils bien aimé qui négocie avec les parents car il est sûr de leur amour. Cette femme facétieuse émerveille Jésus, car elle manifeste une liberté de fille de Dieu. Nous sommes fait pour être libre dans notre relation avec Dieu. Dieu désire cette liberté profonde de ses enfants. Nous ne sommes pas égaux en liberté spirituelle des enfants de Dieu. Je nous invite en cette année qui pour beaucoup commence, à prier les uns pour les autres afin de grandir en liberté spirituelle.