Homélie du frère Nicolas Burle – Dimanche 3 septembre 2023 – 22e du Temps ordinaire
Frères et sœurs,
Comment comprendre ce retournement de situation ?
Dimanche dernier, saint Pierre était monté très haut, au sommet, en proclamant la foi parfaite : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». Il avait reçu en conséquence l’assurance d’être la pierre sur laquelle Jésus bâtirait son Eglise plus forte que les puissances de la mort.
Aujourd’hui, il tombe devant nos yeux en faisant de vifs reproches à Jésus. Il est devenu Satan, une occasion de chute pour le Christ, le Fils du Dieu vivant à qui il venait de confier sa vie.
Une clef d’explication que je vous propose est celle donnée par saint Paul : « je vous exhorte à présenter votre personne toute entière en sacrifice vivant. »
Qu’est-ce qu’un sacrifice ?
Ce mot nous semble souvent piégé. En entendant sacrifice, nous pensons « souffrance, arrachement, renoncement. » « Il faut faire des sacrifices » est souvent synonyme de « il faut souffrir pour être belle » ou pour les sportifs « no pain no gain », « sans souffrance pas de progrès. ». Il faut que cela coûte, que cela saigne pour que cela marche.
Ce n’est pas ainsi que les chrétiens font des sacrifices.
Un sacrifice signifie littéralement « faire du sacré », « rendre sacré » ce que je donne.
Saint Augustin définit le sacrifice comme tout acte qui m’unit à Dieu.
Sommes-nous unis à Dieu par la souffrance ? Non. Par l’amour.
C’est parce que je t’aime que je suis prêt à tous les sacrifices.
C’est parce que je t’aime que je suis prêt à affronter toutes les difficultés.
Mon sacrifice ne vaut donc que s’il est un acte de charité, de miséricorde.
Le signe que nous ne faisons pas des sacrifices par amour, c’est que nous les faisons payer. Puisqu’il faut que ça me coûte, il faut donc que cela vous coûte. C’est une attitude tout à fait pénible.
Un autre personnage de l’évangile qui fait des reproches à Jésus est sainte Marthe. Elle reproche à Jésus que sa sœur Marie ne l’aide pas à faire le service. Montrant ainsi d’abord qu’elle aurait pu s’adresser à sa sœur directement. Et aussi que son désir de servir n’était pas pur puisqu’elle fait de son service un reproche envers le Seigneur.
« Après tout ce que j’ai fait pour toi, pour vous, pour le monde entier : j’aimerais quand même que tout le monde se rende compte à quel point je suis humble » ; « Aimez-moi les uns les autres comme je m’aime. »
Ne considérons-nous pas un peu trop vite que nous sommes, nous les chrétiens, souvent persécutés pour la justice ? Parce que nous faisons le bien ? J’avais entendu un jour un de mes frères prêcher de façon géniale au sujet des béatitudes. « Heureux les persécutés pour la justice » ? Mais peut-être devrions-nous vérifier que nous vivons aussi les sept autres béatitudes : sommes-nous pauvres de cœur, doux, affamés et assoiffés de justice (pas seulement justice pour nous mais justice aussi pour les autres), miséricordieux, cœurs purs, artisans de paix ? Si nous ne vivons aucune de ces béatitudes, peut-être ne sommes-nous pas persécutés pour la justice ? Peut-être ne sommes-nous pas le nouveau prophète Jérémie entouré de méchants ? Peut-être sommes-nous tout simplement insupportables.
Celui qui se donne par amour ne réclame pas une reconnaissance. Il ne fait pas payer aux autres son sacrifice. Il n’est ni avare ni susceptible. Son Père qui voit dans le secret le récompense. Et cela suffit.
Certains parmi vous connaissent bien cette prière qui est l’esprit même du sacrifice chrétien : « Seigneur Jésus, apprenez-nous à être généreux, à donner sans compter. »
Pourquoi Pierre fait-il de vifs reproches au Christ ? A-t-il peur ? Voit-il ce qu’il risque de perdre au lieu de voir ce que le Christ veut donner à tous ?
Si nous voulons devenir des disciples du Christ et marcher à sa suite, nous devons prendre notre croix.
« Prendre notre croix » nous entendons cette expression comme le fait de souffrir patiemment les difficultés. Pourquoi ne l’entendons-nous pas d’abord comme un encouragement ? La croix est le signe de l’amour vainqueur. Celui qui aime, celui qui porte le signe de l’amour vainqueur est vainqueur de toute difficulté.
La logique de l’amour nous est rappelée aujourd’hui pour que nous la vivions aujourd’hui et chaque jour cette année : « Celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. » N’ayons pas peur du Christ. Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple promis.