Homélie du frère Benoît Ente – Dimanche 16 juillet 2023
Aujourd’hui Jésus nous raconte des histoires. Qui aurait pu imaginer que les plus hautes idées théologiques, les plus profondes pensées sur Dieu soient exprimées avec des histoires paysannes d’arbres, de graines et de champs ? Ce qui me frappe de prime abord dans cette série de paraboles, c’est la simplicité des images prises par Jésus. Jésus n’est pas un homme sophistiqué. Il puise son inspiration dans sa vie, c’est-à-dire dans la vie simple des hommes et des femmes laborieux de la campagne, ceux qui travaillent la terre à la sueur de leur front, ceux qui pétrissent la pâte à la poigne de leur main.
Et pourtant, dans la première parabole, il y a quelque chose qui me chiffonne. Quand une mauvaise herbe commence à pousser, en général, on l’enlève le plus vite possible, quand elle est encore toute petite. Si on la laisse grandir, elle prend les nutriments de la terre et en prive les autres plantations. Elle devient aussi plus difficile à arracher. Le fin observateur de la nature qu’est Jésus ne pouvait ignorer ce b-aba du cultivateur. Or le maître demande aux serviteurs exactement l’inverse : il doivent laisser pousser l’ivraie.
Par ce récit étrange, Jésus ne cherche pas nous enseigner la permaculture, il veut donc nous faire comprendre une chose essentielle : l’ivraie et le blé sont mêlés de telle sorte qu’il est très risqué de dire lequel est de l’ivraie et lequel est du blé, lequel est sauvé et lequel est damné. Nos yeux obscurcis par le péché ne peuvent faire ce discernement. Il n’appartient pas aux hommes d’exercer ce jugement. Celui-ci revient exclusivement à Dieu et à ses anges.
Oui frères et sœurs, il y a des éléments invisibles qui échappent à nos yeux. Et justement, ce sont ces réalités que cherchent à révéler les paraboles. Le plus souvent dans notre société, nous pensons avec des logiques d’investisseurs : de gros moyens pour de gros résultats selon des règles de calcul qu’on apprend à l’école. Le récit de la graine de moutarde et du levain racontent une autre histoire. La petitesse et la modestie des débuts sont sans commune mesure avec la grandeur, la beauté, la profusion de la fin. Pour Jésus, ce qui produit un résultat spectaculaire, ce n’est pas la puissance des moyens mis en œuvre, mais l’intensité de l’amour que nous mettons dans ce que nous faisons, la vérité de notre engagement personnel.
Regardez Jésus. Il est né au sein d’un peuple insignifiant dans une famille modeste. Une poignée de gens l’ont suivi jusqu’à sa mort comme un esclave. Et pourtant aujourd’hui des milliards d’êtres humains écoutent sa parole. Jésus n’a rien gardé pour lui. Il a tout offert, tout donné. Et c’est bien cette intensité de vie, cette pureté absolue de l’amour qui a vaincu la mort et génère une fécondité infinie.
En y regardant de plus près, toutes ces paraboles annoncent une même promesse, celle qu’un jour le mal disparaîtra dans le monde et dans nos cœurs mêlés. Un jour, les guerres s’arrêteront et les larmes sècheront définitivement. Les hommes jouiront alors d’un bonheur sans commune mesure avec ce que nous pouvons même imaginer aujourd’hui. Mais n’est-ce pas une belle histoire pour enfant, une fable censée consoler les opprimés de l’histoire ? C’est effectivement le danger d’une telle image. Mais ce danger disparaît dès lors que nous comprenons que ce grand jour ne tombe pas du ciel comme un OVNI. Dieu le fait advenir par le travail de nos mains, par notre engagement pour la justice, même de ceux qui ne connaissent pas encore Jésus. Il a bien fallu un homme, une femme pour planter la graine de moutarde et surveiller sa croissance, pour mettre le levain dans la farine et pétrir la pâte, pour verser l’eau dans les jarres à Cana.
Ces hommes et ces femmes, c’est vous, c’est moi. Ce miracle du Royaume de Dieu qui lève de façon invisible est le même que celui du pain et du vin qui devient corps et sang du Christ. Heureux sommes nous sœurs et frères d’être invités et de participer à ce repas divin, le repas des noces de l’agneau.