Homélie du frère Jean-Pierre Mérimée – 2e Dimanche du temps ordinaire 14 janvier 2024
Les textes d’aujourd’hui illustrent de plusieurs manières comment écouter et répondre à un appel. Un appel qui peut donner sens à une vie, c’est l’histoire du jeune Samuel.
Ils nous invitent aussi à exercer le discernement sur les personnes et les événements qui forment notre histoire , à l’image de Jean le Baptiste dans l’évangile.
St Paul enfin donne aux corinthiens un enseignement sur les exigences de la relation avec le Christ.
Finalement, ces textes nous disent qu’il ne faut pas se tromper sur qui est Dieu, iI ne faut pas se tromper sur ce que Dieu attend de nous, Il ne faut pas se tromper sur qui nous sommes en Christ.
On peut dire que toute la Bible est l’histoire d’un lent apprentissage pour passer d’une première image archaïque de Dieu à une seconde image, celle que nous avons appris à connaître et qui trouve son accomplissement en Christ.
La première c’est celle d’un Dieu dont il faut apaiser le courroux et obtenir les bonnes grâces en faisant des sacrifices, y compris humains à certains moments de l’histoire.
La seconde est le fruit de cette prise de conscience que c’est nous humains qui avons besoin d’être apprivoisés par un Dieu dont la seule requête est qu’on lui dise merci, simplement.
Il faut pour cela renoncer à la logique du donnant donnant, à la logique du mérite, du calcul pour entrer dans celle de la grâce, du don gratuit .
C’est une conversion qui nous est demandée en permanence, plus difficile qu’on ne croit, pour nous arracher à la première image archaïque de Dieu.
Notre conversion va aussi porter sur ce que nous offrons en matière de sacrifices : les prophètes ont joué un grand rôle dans ce lent apprentissage du peuple élu. Ils lui ont fait découvrir peu à peu que le véritable sacrifice que Dieu attend est celui que le prophète Osée définit ainsi : « Ce que je veux c’est l’amour et non les sacrifices » et finalement ce ne sont pas des œuvres de mort qui nous sont demandées mais des œuvres offertes à un Dieu qui est celui de la vie.
Dans sa lettre, Paul donne une leçon aux Corinthiens mais il ne se place pas sur le terrain du permis et du défendu : plus profondément, il nous dit : soyez cohérents avec votre Baptême ; il y a une logique chrétienne. Il y a des comportements chrétiens. Puisque l’Esprit de Dieu est en vous depuis votre Baptême, vous n’avez même plus besoin qu’on vous impose une loi de l’extérieur ; vous pouvez déterminer librement votre conduite : si elle est inspirée par l’Esprit de Dieu, elle est forcément conforme à la Loi de Dieu. Mais visiblement, certains Corinthiens employaient l’expression « Tout est permis » pour justifier leur vie de débauche. Or la vie du corps engage notre être tout entier ; quand Paul emploie le mot « corps », il n’oppose pas le corps et l’âme, comme nous le faisons parfois ; pour lui, le corps c’est bien notre être tout entier dans sa vie affective, sociale, relationnelle ; car c’est par notre corps que nous entrons en relation avec les autres.Notre vie affective, sociale, relationnelle a une dimension d’éternité ; Depuis notre Baptême, nous sommes intimement liés à Jésus-Christ. nous ne nous appartenons plus !
Sur l’évangile enfin : le rite de la Pâque, chaque année, rappelait au peuple que Dieu l’avait libéré.
La nuit de la sortie d’Égypte, le peuple avait accompli le rite traditionnel de l’agneau égorgé, et Moïse avait insisté : « Désormais, chaque année, ce rite vous rappellera que Dieu est passé parmi vous pour vous libérer. Le sang de l’agneau signe votre libération. »
L’agneau, c’est aussi le Messie dont avait parlé le prophète Isaïe : il l’appelait le Serviteur de Dieu et il le comparait à un agneau : « Brutalisé, il s’humilie ; il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l’abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent : elle est muette ; lui n’ouvre pas la bouche. » (Is 53,7). D’après Isaïe, le Serviteur de Dieu, le Messie subissait la persécution et la mort, mais ensuite il était reconnu comme le sauveur de toute l’humanité.
L’évocation d’un agneau, enfin, cela faisait penser à Isaac, le fils tendrement aimé d’Abraham. Quand Isaac avait posé à son père la question « mais où est donc l’agneau pour l’holocauste ? », Abraham avait répondu : « C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste, mon fils ». Abraham ne croyait pas si bien dire : car au moment où il allait offrir son fils, Dieu avait arrêté son geste en lui disant « ne porte pas la main sur l’enfant ». Et il avait lui-même désigné à Abraham un animal pour le sacrifice. Et depuis ce jour-là, en Israël, on a toujours su que Dieu ne veut à aucun prix voir couler le sang des hommes.
Les événements de la vie, de la mort et de la Résurrection du Christ accompliront donc encore mieux que Jean-Baptiste ne pouvait l’entrevoir ce mystère de l’agneau victime et pourtant vainqueur, rétablissant l’homme dans son humanité par son sang, c’est à dire sa vie offerte, le remettant debout dans sa résurrection.
Oui, il ne faut pas se tromper sur qui est Dieu, iI ne faut pas se tromper sur ce que Dieu attend de nous, Il ne faut pas se tromper sur qui nous sommes en Christ et nous héritons d’une longue histoire, celle de tout un peuple, pour opérer le discernement nécessaire.