Lâcher la barque

Homélie du frère Benoît Ente – 3e Dimanche du temps ordinaire année B – 21 janvier 2024

Chers sœurs et frères, pratiquement toutes les lectures de ce jour nous parlent de l’engagement que vous avez pris, que j’ai pris ou que d’autres ont pris à notre place lors de notre baptême, l’engagement à nous convertir. Oui, aujourd’hui il est question de conversion. 

Elle est d’abord déclinée dans sa version “Ancien Testament” avec Jonas. Les Ninivites se convertissent sous la menace de destruction proclamée par Jonas. Si vous lisez la suite du récit, vous verrez en quoi consiste cette conversion : essentiellement jeûner, c’est-à-dire se priver de nourriture et se détourner ou abandonner sa conduite mauvaise. Si j’essayais de traduire ce que cette méthode donnerait aujourd’hui, cela ferait quelque chose comme : « Si vous ne changez pas vos modes de vie, si vous n’adoptez pas un mode de vie sobre, vous serez anéanti par les cyclones, les tornades, les incendies, vous vivrez sous une chaleur suffocante, de nouveaux virus apparaîtront et vous mourrez dans d’atroces souffrances. » La menace produit un certain effet, nous le constatons à Ninive. Mais l’expérience montre aussi aujourd’hui que son effet reste limité et profondément insuffisant. Nous avons une capacité à nier l’évidence, à nous habituer à la menace, à la laisser glisser sur nos plumes de canard ou à la tourner en ridicule. 

Alors, Dieu a opéré une mise à jour du protocole de conversion. Il a sorti une nouvelle version, la version Nouveau Testament et nous en avons aujourd’hui un bel exemple. Jésus surgit dans la vie de pêcheurs, des hommes simples comme vous et moi. Il fait irruption dans leur quotidien et ils sont saisis par sa parole, par ses actes, par sa bonté au point de laisser leur barque sur le côté pour le suivre. 

Dans le Nouveau Testament, la conversion ne se fait pas sous la peur de la menace, mais dans l’attirance, le désir de celui qui nous aime infiniment et qui, de ce fait, est infiniment aimable. Il ne s’agit plus d’abord de se détourner du mal, ce dont nous sommes souvent incapables, mais il s’agit d’abord de se tourner vers Jésus, vers celui qui est la lumière. Voyez Simon-Pierre qui se fera appeler « Satan » par Jésus quelques chapitres plus loin. La conversion consiste d’abord à se tourner vers Jésus et ensuite, c’est lui qui nous donne la force, l’endurance pour nous détourner du mal. Ainsi, la conversion exige de nous d’entrer dans une relation d’amour authentique avec le Christ et de nous laisser transformer par cette relation. 

Prenons un exemple, peut-être avez-vous déjà pris soin d’un petit bébé. Quand il crie parce qu’il a faim, son cri déclenche votre réaction et vous laissez vos activités de côté pour venir lui donner à manger. Cette relation d’amour vous transforme et vous pousse à agir. L’appel de la vie et de l’amour vous donne le courage de vous lever, même trois fois dans la nuit si c’est nécessaire. De même, l’amour du Christ nous conduit à entendre son cri dans la souffrance des hommes et des femmes de notre monde, affamés de sens, de tendresse, d’attention, de justice et il devient impossible de rester sourd à cet appel. Notre relation avec le Christ nous donne la force de nous détourner du superflu pour nous tourner vers l’essentiel.

Et ce serait une erreur de penser que l’appel de Jésus est réservé aux futurs prêtres, religieux et religieuses. Simon, André, Jacques et Jean, c’est vous autant que moi et que tous nos frères et sœurs chrétiens. Tous, nous sommes appelés à la conversion. Et pour mesurer notre degré de conversion, posons-nous la question de l’importance que nous donnons à Jésus dans notre vie ? Et je me pose la question autant que vous. Est-ce que sa Parole colore et même structure ma vie, mes relations avec mes collègues, mes frères, mes sœurs, mes amis, mon époux, mon épouse, mes enfants, ma carrière ? Si ce n’est pas le cas, pas de panique. L’effort principal n’est pas d’essayer de changer quelque chose dans ma vie, mais de me rapprocher du Christ pour laisser sa lumière caresser mon âme, baigner mon être et le transfigurer.

Lâcher la barque pour suivre Jésus signifie lâcher nos réticences, nos doutes, nos excuses pour entrer pleinement, quotidiennement dans une relation d’amitié avec lui. Cette relation commence maintenant dans cette Eucharistie, elle se prolonge chez vous autour de la table et elle s’accomplira en plénitude au bout de la route, au jour du face-à-face. Amen.

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