Comme je vous ai aimés

Homélie du frère Jean-Pierre Mérimée – 6e Dimanche de Pâques – 4 mai 2024

Comment trouver un texte comme celui de cet évangile qui réponde mieux à ce que notre cœur attend , à ce qu’il espère? Comment trouver un Dieu qui établisse une correspondance aussi étroite entre la relation du Père avec le Fils, du Fils avec nous, et les relations fraternelles qu’il propose à l’humanité entière de vivre dans sa communion de l’Esprit? Comment trouver un Dieu qui me fasse entrer dans son intimité au point de m’appeler ‘ami’ ?

Aussi faut-il d’abord rendre grâce à Dieu pour ce qu’il est, pour cette relation d’amour qu’il propose à chacun de nous, qui n’a aucune équivalence au monde et qui seule peut combler notre attente. Oui, une immense reconnaissance pour Celui qui nous ouvre ce chemin d’un amour possible, à hauteur d’homme et de femme, parce que à hauteur d’un Dieu qui est venu partager notre humanité.

Mais paradoxalement, nous le constatons : au lieu de rendre grâce nous ne cessons de nous accuser, d’implorer le pardon, de demander dans notre prière quotidienne de ne pas tomber en tentation, de nous délivrer du mal ; dans les psaumes nous supplions ; pitié pour nos péchés :  « Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi ; contre Toi et toi seul j’ai péché ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait »

Et nous répétons à l’envie le psaume 50 : nous sommes pécheurs dès le sein de notre mère.

J’ai des amis qui me disent qu’ils ne se reconnaissent pas dans ce mea culpa permanent des chrétiens, qu’ils assimilent à un manque de confiance dans la vie, à un manque d’humilité aussi : «  je suis comme je suis » disent-ils, je fais ce que je peux » Une amie élevée chez les Ursulines me confiait que, enfant, elle trouvait déjà injuste de ne pas être née sans péché comme la sainte Vierge.

Eh bien le mal est une réalité, qu’on le veuille ou non. « diabolus quasi leo rugians, quaerens quem devoret », le diable, comme un lion rugissant cherchant qui dévorer …et ce n’est pas une invention chrétienne, c’est la vérité de notre vie, ce que nous avons à affronter comme n’importe qui, en permanence. Heureusement nous sommes sortis de ce qu’on appelle la pastorale de la peur, avec un enfer de flammes prêt à nous avaler comme l’illustre le tympan de nos cathédrales. Heureusement, nous sommes sortis de cette pédagogie sommaire et avons compris les dangers d’une culpabilité mortifère, d’une culpabilité qui écrase et qui enferme, d’une culpabilité qui fait de Dieu un Dieu pervers et cruel. Nous avons appris, nous ne cessons d’apprendre, le sens d’un Dieu qui pardonne soixante dix fois sept fois, d’un Dieu qui se réjouit de la brebis retrouvée, d’un Dieu qui envoie son Fils sauver ce qui était perdu. D’un Dieu qui ne laisse pas seul l’homme ou la femme se battre pour vaincre la tentation, mais qui l’accompagne sur un chemin où il nous précède dans la logique d’une vie donnée, d’une communauté de destin, à nos côtés, toujours.

Cela prend le visage d’une communauté de croyants, d’une église qui rassemble des frères et des sœurs dans l’écoute, le partage et l’entraide. Comme me le disait un ami de la Maison du 60 addict à la drogue et à l’alcool depuis 3 ans, on ne peut pas se battre seul. On a besoin d’une main tendue pour aider à se mettre debout, avancer un pas après l’autre ( cela fait 1mois et demi qu’il est abstinent) . On a besoin d’un ami qui vienne vers vous car la honte dit-il empêche souvent de faire le premier pas. On a besoin du soutien des sacrements de l’église – notre ami se prépare à recevoir le baptême à notre w.e. de la Pentecôte- pour mieux comprendre et goûter à quel point Dieu nous aime, comment il s’est manifesté en envoyant parmi nous son Fils unique pour que nous vivions de Lui, par Lui. Ce que nous dit aujourd’hui la première lettre de saint Jean avec force : « Bien aimés, aimons-nous les uns les autres puisque l’amour vient de Dieu » et « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimé et envoyé son Fils ».

Saint Jean rejoint ainsi la compréhension profonde du texte, en écho à la double révélation qu’a eue Jésus au Jourdain, au jour de son baptême : « Tu es mon Fils bien aimé, tu as toute ma faveur » Oui, Dieu se révèle à Jésus comme un père tout proche, Dieu n’est plus ce mystère ineffable disant à Moïse « Je suis celui qui est », il va dialoguer avec son Fils, et par son canal avec l’humanité entière.

Dans le même temps, Jésus à été empli de la force l’Esprit, il a vu que depuis le ciel ouvert, l’Esprit descendait sur lui, l’Esprit qui insuffle l’être à tout ce qui vit , l’esprit qui guérit, qui libère, qui est source inépuisable de la joie.

L’évangile de ce jour précise : « je vous ai dit cela pour que ma joie soit avec vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés.» Ce qu’ajoute à la compréhension du texte le « Comme je vous ai aimés » est essentiel : il indique une amitié, une joie dont la source est le Seigneur Jésus.

Et plus loin : «  Je vous appelle mes amis ». Jésus souligne le rôle central du lien d’amitié pour être fidèle à ce commandement d’amour et pour qu’il porte du fruit « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. ».

Que notre prière commune nous éclaire sur ce choix dont nous sommes les bénéficiaires, auquel le Christ nous demande de répondre dans la confiance et l’amitié, si nous voulons porter du fruit, nous qui sommes amis du Seigneur, dans le Seigneur.

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