Homélie du frère Benoît Ente – Dimanche 18 août 2024
Vivre éternellement. C’est ni plus ni moins ce que nous promet Jésus. ça fait rêver. De tout temps, les hommes ont cherché à vivre éternellement. Ils ont projeté ce désir sur les dieux grecs, romains et j’en passe. Des hommes ont voulu faire croire à leur peuple qu’ils étaient éternels, comme les dieux. Par exemple, Pharaon. La pyramide est censée être sa demeure éternelle. Aujourd’hui, cette course à la vie éternelle ne s’appuie plus sur des monuments gigantesques, mais sur la technologie et la médecine moderne. Des sommes d’argent énormes sont investies par des laboratoires ou des start up pour retarder le vieillissement voire inverser le processus.
Quant à lui, Jésus propose à vous, à moi la vie éternelle. / Mais pas à la manière du monde, pas dans une éternelle jeunesse pour jouir sans limite des plaisirs de la terre. Non, Jésus nous promet une autre vie éternelle, celle d’un amour conduit à sa perfection, celle d’une vie donnée sans restriction. Et cette vie-là nous dit Jésus, est une vie dans l’Esprit de Dieu. C’est la vie même de Dieu et c’est pour cela qu’elle est éternelle. Oui Dieu est amour et franchement dit, ne sommes nous pas tous attirés par cet amour ? N’avez-vous pas envie d’aimer comme Jésus ? Personnellement, je vois rien de plus beau à rechercher dans cette vie. Comment y parvenir, telle est la véritable question.
Bonne Nouvelle, Dieu lui-même nous ouvre un chemin : manger la chair de Jésus et boire son sang. Pourquoi la chair, pourquoi le sang ? On aurait pu s’attendre à ce que Jésus nous dise : « Celui qui reçoit mon Esprit demeure en moi et moi en lui ». Mais non. Il dit bien celui qui mange ma chair. En général, on se méfie de la chair et de ses plaisirs. Elle a la réputation de nous faire chuter. Jésus a dit lui-même à Gethsémani : « l’esprit est ardent, mais la chair est faible ». Pourtant, cette chair fait partie de notre corps. Elle a été créée par Dieu tout comme notre esprit. Elle ne peut pas être fondamentalement mauvaise, au contraire, elle doit être bonne et même très bonne.
Et effectivement, la lettre aux hébreux affirme que Jésus a été conduit à sa perfection par sa traversée victorieuse des souffrances. Sans la chair, il n’y aurait pas de souffrance, pas de perfection dans l’amour possible et donc pas de salut. Pendant sa vie terrestre, Jésus est souvent remué intérieurement c’est-à-dire dans sa chair par la détresse des hommes et ce mouvement intérieur est une force qui lui est donnée pour guérir, aller de l’avant et mener jusqu’au bout sa mission.
Quand la chair est pilotée par l’Esprit, obéissante à l’Esprit, elle devient un moteur indispensable pour notre conversion. Elle devient une chair de compassion. Et au lieu de nous tirer vers le bas, elle nous tire vers le haut. Alors celui qui a recevra encore davantage. Lorsque nous communions au corps du Christ, lorsque nous mangeons sa chair, à chaque Eucharistie, nous posons un acte de foi fort dans la parole de Jésus « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Nous affirmons que Jésus est Dieu, qu’il a une parole créatrice et donc que ce qu’il dit se réalise vraiment. Manger sa chair manifeste notre amour pour lui, notre désir de communion intime avec lui, notre désir de vivre de sa vie. Les amoureux ne se disent-ils pas « je veux te manger » ? Nous mangeons la chair du Christ parce que nous l’aimons et nous désirons ardemment qu’il demeure en nous.
Cette communion sacramentelle au corps et sang du Christ que nous vivons pendant l’Eucharistie serait vaine sans son équivalent dans la vie réel : notre communion au Christ chaque jour par notre foi, par nos actes et nos paroles, par notre écoute des Écritures, par notre prière intime, par l’écoute du tressaillement de notre chair jamais indifférente à la détresse de ceux qui nous entourent. Notre communion au corps du Christ ne peut se limiter à la messe. Elle est appelée à devenir communion au Christ à chaque heure, à chaque minute, à chaque seconde de notre vie. C’est pour nous dire cela que Jean, l’auteur du quatrième évangile, situe le discours de Jésus sur le pain de vie non pas lors du dernier repas de Jésus, mais au beau milieu de sa vie publique.
Dans l’Esprit Saint, dans notre communion au Christ, une véritable alchimie s’opère. Notre chair qui auparavant nous plombait, nous enchaînait au péché, devient de l’or pur, une chair de compassion qui nous entraîne à la suite du Christ vers la vie éternelle. Et l’adversaire du genre humain est impuissant devant cette force. Frères et sœurs, que notre communion au corps et au sang du Christ se fasse aujourd’hui avec foi et reconnaissance. Car c’est un don immense qui nous est fait. Grâce à lui, nous n’avons plus peur de nous-même de notre corps et nous pouvons vivre pleinement notre incarnation dans cette chair devenue ce pourquoi elle a été créée : une chair vibrant aux plaisirs du partage, du don, une chair de compassion.