Homélie de Père Mathieu Devred pour la profession de Père Frédéric Da Silva dans la fraternité sacerdotale dominicaine Bx Alain de la Roche – Lundi 2 décembre
« Venez ! Montons
à la montagne du Seigneur.
Venez ! Marchons à sa lumière. »
Chers amis,
en ces tous premiers jours de l’Avent
nous nous reconnaissons
dans les nations et les peuples nombreux
annoncés par Isaïe.
Comme eux, nous voulons nous laisser
attirer par la Présence du Seigneur.
Comme eux, encore,
nous voulons nous exhorter,
les uns les autres, à cette sorte d’ascension.
Nous avons à cœur de nous encourager
à recevoir la Parole de Dieu,
le Verbe fait chair que nous fêterons à Noël
et qui déjà vient nous illuminer.
Et comment ne pas voir aujourd’hui,
dans cet oracle du prophète,
une délicate attention de la Providence ?
Une attention toute particulière
en ce jour où notre frère Frédéric s’engage
dans les Fraternités sacerdotales dominicaines.
« Venez ! Montons à la montagne du Seigneur.
Venez ! Marchons à sa lumière. »
Cette invitation résonne aujourd’hui
d’une manière toute particulière pour Frédéric,
et pour nous, avec lui.
Car l’engagement qu’il s’apprête à prendre,
dans un instant,
représente comme une réponse
à un appel à « monter plus haut »,
un appel à approfondir notre vie spirituelle
et notre ministère de prêtre.
Cette ascension n’a rien d’orgueilleux.
Au contraire,
elle se doit d’être humble et laborieuse.
Marcher à la lumière du Seigneur,
ce n’est pas fanfaronner.
C’est plutôt se rendre disponible à accueillir
les brefs éclats de la vérité
qui nous sont offerts au quotidien.
Vous savez, la recherche de la vérité,
c’est un peu comme une lente distillation.
Et pour élaborer un bon alcool,
avant la distillation,
une longue fermentation est nécessaire.
Et bien, c’est au terme de multiples rencontres,
de fréquents moments de contemplations,
d’une prière confiante et d’une étude assidue
que nous pouvons parvenir à recueillir
quelque chose de la lumière de Dieu.
Cette lumière que nous avons à cœur de partager.
Le psaume que nous venons de chanter
prend lui aussi une résonance particulière
aujourd’hui :
« Quelle joie quand on m’a dit :
Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Cette joie, cher Fréderic,
c’est en particulier pour nous,
celle de trouver une nouvelle famille spirituelle,
un lieu d’appartenance qui vient enrichir,
sans le remplacer, notre enracinement diocésain.
Les Fraternités sacerdotales
sont comme cette « maison » spirituelle
où le ministère presbytéral
peut trouver un nouveau souffle,
une nouvelle profondeur, un peu d’altitude.
Nous le savons : une certaine sècheresse
dans le ministère peut nous engourdir
ou, au contraire,
une forme d’activisme peut nous disperser.
La vie fraternelle offre alors, bien souvent,
un dynamisme renouvelé
et un regard apaisé
sur ceux qui nous sont confiés.
Dans nos charges pastorales,
on peut être confronté
à des incompréhensions
voire même des oppositions
que ce soit avec des fidèles ou les autorités civiles
mais aussi avec des confrères ou notre hiérarchie.
Aujourd’hui, dans l’Église,
on peut facilement s’égarer
en tentant de « sauver la boutique ».
Notre engagement dominicain
nous ouvre à la force
d’un charisme huit fois centenaire.
Ça aide à relativiser
et ça donne des munitions …
Ces « maisons spirituelles »
que sont nos fraternités sont encore de ces lieux
où l’on s’encourage à annoncer
avec une grande liberté
la bonne nouvelle du Christ.
En résonance au livre d’Isaïe
et au psaume de ce jour,
l’évangile nous parle encore de maison.
Le Centurion a bien compris
qu’il lui faut opérer un déplacement.
Il doit quitter sa maison, où il règne en chef,
pour emprunter les chemins de la foi
et trouver sa demeure dans le Seigneur Jésus.
Je ne suis pas sûr
qu’il faille voir dans le Centurion
un prototype du curé de paroisse à l’ancienne,
ou – du moins – sa mauvaise caricature.
Vous savez,
celui qui dit à la dame caté : “Va”, et elle va.
Au sacristain : “Viens”, et il vient.
Ou encore, au chef scout : “Fais ceci” et il le fait …
Mais ce qui est sûr, en revanche,
c’est que le Centurion à un esprit large.
Sa compassion dépasse les barrières sociales :
bien qu’il soit un officier romain important,
il se soucie profondément de son serviteur.
Il fait preuve d’une grande ouverture spirituelle
et transcende les frontières religieuses
et culturelles de son temps.
Il ne réduit pas sa compréhension de l’autorité
à sa seule expérience.
Au contraire cette expérience
l’ouvre à plus que lui :
il fait ainsi un parallèle intelligent
entre son autorité et celle de Jésus.
Et, bien sûr, son humilité est exemplaire
et c’est sûrement elle qui lui permet
de ne pas tomber dans toutes les conventions,
dans tout ce qui est écrit d’avance.
C’est son humilité qui lui offre sa largeur de vue
et lui permet, tout simplement,
de reconnaître Jésus comme son Seigneur.
Cher Frédéric,
ta profession dans l’Ordre de saint Dominique
sera comme un aiguillon
dans ton ministère de prêtre
et dans ta vie de baptisé.
J’espère vraiment que notre vie fraternelle
sera toujours une « maison »
pour grandir ensemble dans l’humilité
et la liberté,
tout en cultivant la patience
dans notre recherche spirituelle,
et notre fidélité à la prière et à l’étude.
Chers amis,
en ce temps de l’Avent,
que ce chemin entamé par notre frère Frédéric
nous stimule tous, là où nous sommes.
Que notre Père saint Dominique
intercède pour ce nouveau chemin qui s’ouvre.
Que sa passion pour la Vérité,
son amour de l’Église,
et son zèle pour le salut des âmes
inspirent chacune de nos vies.
Que la Vierge Marie,
si chère à l’Ordre des Prêcheurs,
accompagne de sa tendresse maternelle
cette nouvelle étape dans la vie de Frédéric.
Qu’elle accompagne aussi
notre marche vers la fête de Noël.
Et que la « Maison du Seigneur »
soit notre joie,
dès maintenant et pour toujours. Amen.