Un bébé porteur d’espoir ou d’espérance ?

Homélie du frère Franck Guyen – 25 décembre 2024

Aujourd’hui, nous nous nous souhaitons un « joyeux Noël » en français, là où le portugais, plus explicite, dira « Feliz natal » : « Heureuse naissance ».

Selon des estimations statistiques, il naît dans le monde 4,2 êtres humains par seconde. Les statistiques banalisent dans les chiffres froids et sans âme ce qu’a d’unique et d’irremplaçable une naissance. Chaque nouveau-né est unique pour ses parents, ses grands-parents, pour les voisins de la famille et il est unique pour Dieu. Chacun d’entre nous est unique, chacun occupe des coordonnées uniques dans l’espace-temps, avec une trajectoire unique, appelé à un destin unique avec Dieu.

Le petit bébé né à Bethléem il y a deux mille ans était lui aussi unique, comme les 4,2 enfants qui naissent par seconde en ce moment, comme les milliards d’enfants déjà nés. Mais je dirai que ce bébé-là est plus qu’unique, il est singulier. Si nous fêtons la naissance de ce bébé le 25 décembre depuis des siècles, c’est que ce bébé est porteur d’une singularité.

Chacun des 4 ,2 nouveau-nés est porteur d’espoir. Ses parents espèrent qu’il grandira et qu’il contribuera à faire de ce monde un monde un peu meilleur, un peu plus beau, un peu plus agréable à vivre. Ils espèrent qu’il fera honneur au nom de la famille, et peut-être même qu’il le rendra glorieux.

Les parents espèrent que lui aussi deviendra parent, faisant d’eux alors des grands-parents : il va transmettre la vie qu’ils lui ont transmis et qui leur a été transmise. Ils ont hérité de la vie, d’un nom, d’une façon d’habiter cette terre et de vivre en être humain qui est propre à leur famille, et ils espèrent que cet art de vivre sera transmis par lui, avec les améliorations et les adaptations nécessaires.

Les bébés sont porteurs d’espoir. Jésus, quand il naît à Bethléem, est porteur d’une espérance – ce n’est pas la même chose : l’espérance serait un espoir avec une dimension verticale dans le sens de la hauteur et de la profondeur. Explicitons cela.

Les apôtres revenant à Emmaüs se lamentaient sur la mort de Jésus, eux qui attendaient de lui qu’il libère Israël du joug des occupants romains. Après sa résurrection, de la même manière, ils lui demanderont quand il rétablira la royauté d’Israël. Il s’agit d’espoir ici et non d’espérance : l’espérance porte non pas sur la libération des Romains, trop limitée, trop petite, elle porte sur la libération de la mort, de la souffrance, de l’esclavage du péché.

Son objet est inaccessible et pour l’homme et pour la création par leurs propres forces, il demande l’action d’une réalité d’un autre ordre que le nôtre, l’action de Dieu. Le nouveau-né de Bethléem porte l’espérance d’Isaïe qui avait prophétisé que Dieu enverrait un Messie pour enlever le voile de mort, le linceul qui recouvre la création.

Peut-être vous étonnez-vous d’entendre parler de mort et de péché en ce jour où l’on devrait parler de la joie d’une naissance. Rassurez-vous, il s’agit bien de la joie qu’un nouveau-né nous soit donné qui va briser l’empire de la mort et du mal, mais regardez la crèche en agrandissant la focale : l’ombre de la croix se projette sur la crèche, la naissance de Jésus s’intègre dans une dynamique de salut qui montera jusqu’à la croix et, en continuant à élargir la focale, jusqu’à la résurrection : la croix surplombe la crèche et aussi l’autel où le Christ Jésus se donne à manger et à boire.

Nous venons de l’entendre dans le prologue de l’évangile de Jean, « Le Verbe s’est fait chair ». Verbum caro factus est en latin. Caro a donné “chair”, “charnel” et aussi “carne » en français. Les traducteurs en japonais ont traduit « chair » par « niku », ce que mes frères japonais déplorent car « niku » désigne la viande en japonais.

« Dieu s’est fait viande » : la traduction sonne mal. La viande est froide, c’est du cadavre, de la mort comme nous le rappellent les végétariens. Or Jésus est la vie par excellence, il ne peut pas être froid. Nos frères japonais ont donc raison de protester, mais en même temps, Jésus nous a bien demandé de le manger : « Qui mange ma chair et boit mon sang ne mourra pas mais aura la vie éternelle ». La traduction en japonais n’est donc pas totalement juste mais elle n’est pas totalement fausse.

Sauf que la chair de Jésus n’est pas de la viande froide, ni même de la chair à 37,2°C. C’est beaucoup plus que cela, c’est beaucoup plus que la température du cœur du soleil (15 000 000 °C), ce que nous mangeons à l’autel est à la température du cœur de Dieu.

 

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