Homélie du frère Nicolas Burle – Solennité de l’épiphanie – 5 janvier 2025
Régulièrement, le dimanche en fin d’après-midi, des lycéens de Marcq Institution qui préparent leur confirmation viennent visiter notre couvent. Pour la plupart d’entre eux, c’est une découverte. C’est la première fois qu’ils entrent dans cette église. Quand ils se tiennent comme vous dans le chœur ou dans la nef, je leur demande : À quoi cette église vous fait-elle penser ? Que voyez-vous ?
Ceux qui ont une mentalité plutôt de type ingénieur voient immédiatement une usine du Nord. Briques et béton, c’est logique.
Ceux qui ont l’esprit géométrique remarquent que notre église est répartie en 3 espaces : le chœur, l’autel et la nef.
Les esprits artistes lèvent la tête : « la voûte… on dirait la mer. »
Ceux qui ont l’esprit littéraire s’interrogent alors : n’est-ce pas l’arche de Noé ?
Chacun regarde une même réalité à partir de son point de vue. Et si tous ces points de vue diffèrent, aucun n’est contradictoire. Ils regardent cette église comme on regarde un diamant : chacun contemple une face de ce mystère. Et toutes ces faces sont précieuses.
Remarquez maintenant que la voute ne tient que sur 10 piliers. Les briques sont du remplissage. 10 piliers, un chiffre très symbolique dans la Bible. Qui nous renvoie au décalogue, les 10 paroles, les 10 commandements reçus par Moïse dans le désert. Comment fait-on pour se loger dans le désert ? On plante une tente. Et si vous connaissez les tentes des bédouins, vous savez qu’elles sont construites sur ce modèle : des piliers, un tissu qui sert de toit, une ouverture pour que la chaleur s’échappe et des draps sur le côté pour laisser passer de la lumière et arrêter le vent. Une tente. Et pas n’importe quelle tente : Moïse prenait la Tente et la plantait hors du camp, à bonne distance. On l’appelait : tente de la Rencontre. Le lieu où reposait l’arche d’alliance, le lieu de la présence de Dieu. Voilà notre tente de la rencontre.
Notre foi est affaire de signes. Un signe est une réalité qui renvoie à une autre réalité plus profonde. Ceux qui sont mariés dans notre assemblée le savent bien : l’alliance que vous portez à votre doigt est un signe. C’est une réalité, un anneau, qui renvoie à une réalité plus profonde : l’alliance entre un homme et une femme, scellée par Dieu dans le sacrement du mariage. Une bague peut représenter l’amour. C’est une affaire de signe.
Une étoile peut conduire un mage jusqu’au roi des Juifs. C’est une histoire de signe. Celui qui saura lire le signe sera conduit plus loin que ce qu’il voit.
Après avoir parlé de la grande tente qu’est notre église, je pourrais vous parler de la petite tente qui se trouve dans notre église. En latin, petite tente, vous le savez, se dit tabernaculum. Nous n’allons pas nous mentir, ici le tabernacle a une forme non pas de tente mais d’œuf. Pourquoi ? Pourquoi offrons-nous des œufs à Pâques d’ailleurs ? Parce qu’il est le signe de la vie. De la coquille jaillit le poussin. Mais de quoi est constituée la coquille d’œuf ? Les esprits scientifique le savent : elle est composée de carbonates, de phosphates de calcium et de magnésium. C’est-à-dire de minéraux. Du minéral peut jaillir un être vivant. Puisque vous croyez à l’œuf, vous croyez à la résurrection : du tombeau de pierre peut jaillir un vivant le matin de Pâques.
C’est un signe : une réalité qui renvoie à une autre réalité plus profonde.
Mais je peux passer à côté de la signification du signe.
Pour cela, il faut, comme les mages, s’interroger, chercher, étudier.
L’épiphanie du Seigneur signifie littéralement la manifestation, la révélation du Seigneur.
Mais qu’est-ce que le Seigneur nous révèle ?
Nous le découvrons dans la supplique des mages : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » Se prosterner traduit l’attitude du serviteur devant son maître, du vassal devant son suzerain, du croyant devant son Dieu. C’est un terme lié à la soumission. En me prosternant, je me soumets à plus grand que moi.
Mais je sens que ma soif de liberté résiste à cette soumission.
L’autre mot pour traduire l’attitude des mages est « adorer ». Le mot latin pour adoration est ad-oratio – littéralement porter à la bouche, embrasser. Et qu’est-ce qu’un baiser sinon un signe de cette réalité plus profonde qu’est l’amour ? Notre soumission n’est pas celle de l’esclave mais l’offrande libre de celui qui est aimé et de celui qui aime. Celui devant qui nous nous prosternons est l’Amour même que nous voulons embrasser. Et il faut se baisser pour embrasser un enfant. C’est un signe.
Comment pouvons-nous adorer Jésus à notre tour ? Nous prosterner devant lui ?
Au cœur de notre église, se trouve l’autel. Il nous fait spontanément penser à une table. Celle de la dernière Cène, le repas du Seigneur avec ses apôtres le soir du jeudi saint.
Mais elle nous fait penser aussi à un tombeau, une sorte de sarcophage. Le tombeau où le Seigneur a été déposé après sa mort sur la croix.
Précisément, où se trouvait la croix du Seigneur ? Sur le mont du Golgotha, ce tas de mauvaises pierres délaissées à la porte de Jérusalem. Et ici nous avons la croix plantée dans la pierre. Table du jeudi saint où le Christ nous donne sa vie en paroles, Golgotha du vendredi saint où le Christ nous donne sa vie en actes et tombeau du samedi saint où il descend aux enfers pour libérer les défunts. Tombeau vide du dimanche de Pâques. La preuve ? Notre autel est creux, le tombeau est bien vide. Le Christ est ressuscité. Notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie. Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous.
Chaque autel est le signe de cette réalité qui est le cœur de notre foi : la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus. Il se donne à nous sous l’apparence pauvre du pain pour que nous le portions à notre bouche. Pour que sa vie éternelle entre en contact avec ma vie mortelle.Adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents.