Homélie du frère Franck Guyen – Samedi 18 janvier 2025
« Je ne suis pas venu pour les justes mais pour les pécheurs » dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Mais qui peut se dire juste ? Nous sommes tous pécheurs, hormis la Vierge Marie et Jésus.
« Encore ces histoires de péché. Arrêtez de nous culpabiliser » réagiront certains. Et sans doute y- a-t-il une part de vérité dans leur protestation. Je vous propose de réfléchir ensemble à cette notion essentielle de la religion chrétienne.
– À titre d’anecdote, quand j’étais encore païen, celui qui allait devenir mon parrain avait voulu m’entraîner dans l’aumônerie de notre école d’ingénieur. « Mais je ne suis pas pécheur : je n’ai pas volé, menti, tué, je n’ai pas commis d’adultère. Je n’ai donc pas besoin d’y aller » lui avais-je répondu, et je n’y suis pas allé. Sauf qu’arrivé à vingt-cinq ans, je demandais à être baptisé dans l’Église catholique. Au cours de la cérémonie, j’ai fondu en larmes sans pouvoir m’en empêcher : j’étais sorti d’une vision trop humaine, trop étriquée du péché, j’avais compris que le péché est ce qui empêche la circulation de l’amour de Dieu. J’avais pu le comprendre parce que j’avais d’abord fait l’expérience de l’amour de Dieu qui avait brisé mon cœur de pierre.
– Pour prendre une image, le péché est comme une tache sur un habit blanc. Notons que si nous sommes dans le noir, nous ne voyons ni le blanc de l’habit ni la tache. Il y faut la lumière. Notons aussi que l’habit est d’abord blanc, ce n’est qu’après que la tache survient, elle ne lui est pas essentielle mais accidentelle.
Au début, la lumière est encore faible et nous voyons seulement les grosses taches que nous effaçons à la lessive. Puis la lumière augmente, révélant des tâches plus petites et nous voilà partis pour une nouvelle lessive. La lumière augmentant toujours plus, nous découvrons des tâches de plus en plus petites. Finalement, l’habit devient d’un blanc pur, éclairé par une lumière devenue insoutenable : notre habit est prêt, nous pouvons maintenant entrer dans la salle des noces.
Vous aurez compris l’image, ou plutôt la parabole : nous ne prenons conscience de nos péchés que dans la lumière de l’amour de Dieu qui nous révèle d’abord combien nous pouvons être beaux et bons, et c’est seulement sur cet arrière-plan que Dieu nous révèle dans le même temps notre péché : quelque chose d’accidentel et de second qui n’a pas sa place et qui doit disparaître.
Et c’est dans le sang du Christ que nous sommes libérés de nos péchés, des plus gros jusqu’à ceux que nous avions tendance à qualifier de « peccadilles ». Alors nous pourrons fêter la réconciliation du monde avec Dieu, alors nous pourrons nous tenir en sa présence comme aux premiers temps, avant la faute originelle.
– First things first : le péché n’est pas premier, ce qui est premier c’est la bonté de Dieu. Elle est première et elle sera dernière, tandis que le mal apparu ensuite est condamné à disparaître sans laisser de trace.
Contempler l’abîme d’amour de Dieu déployé en Jésus Christ, un abime insondable qui engloutit sans laisser de trace le « mystère d’iniquité » (2 Th 2 7) du mal. Et en témoigner, poussé par une « charité efficace » comme saint Dominique.