Homélie du frère Rémy Valléjo – Samedi 2 mai 2020
Nous célébrons aujourd’hui saint Athanase, qui, au IVe siècle, est évêque d’Alexandrie en Égypte.
Nous lui devons la défense de la divinité du Christ au concile de Nicée, mais aussi la Vitad’Antoine le Grand, le Père des moines, de la vie érémitique et monastique.
Selon Athanase, le « désert devient une cité » où l’homme, reclus, dans la solitude et la méditation de la Parole, n’a de cesse de s’ajuster à Dieu.
Aujourd’hui, notre cité, notre pays et l’humanité presque tout entière vit la rude expérience du désert,
lorsque tout un chacun vit désormais reclus,
enfermé, sans l’avoir choisi, dans un espace clos.
Au cœur de cet enfermement,
il n’est pas rare qu’un désir s’éveille – légitime à bien des égards – de quitter un tel désert et de partir au large pour se libérer du lourd carcan qu’impose la crise sanitaire.
Aussi légitime qu’il soit,
ce désir n’en pas moins inspiré par cette force obscure qui, au désert, détourne l’homme de son chemin de vie, en détournant le sens même de la Parole de Dieu.
C’est non seulement la tentation des Hébreux pendant quarante ans, mais c’est aussi l’épreuve du Christ pendant quarante jours, dans ce désert où l’homme ne peut subsister que grâce à la Parole substantielle qui le suscite et le ressuscite
Selon la tradition des Évangiles,
Jésus est avec ses disciples aux confins d’un lieu désert,
le lieu-dit de la multiplication des pains, d’une manne nouvelle : le pain descendu du ciel, la Parole substantielle, le Christ lui-même qui donne la vie en abondance.
Selon l’Évangile johannique, certains parmi les disciples veulent partir, Enfermés en eux-mêmes, ils sont incapables de vivre le désert.
Reclus dans leur propre monde clos, ils sont dans l’incapacité d’accueillir la Parole que le Christ leur adresse et qui, substantielle, est le gage de la Vie en abondance.
Le Christ les interpelle : « Voulez-vous aussi partir ? »
Et Pierre de répondre : « À qui irions-nous ? »
Partir,
risque fort d’être l’erreur fondamentale de celui qui oublie ou mésestime ce qui, à la racine de sa vie et de son être, ne se trouve nulle part ailleurs qu’en lui-même.
À moi-même qui, enfermé dans cet espace clos qui m’est imposé, ce même désir de partir risque fort de participer de cette même erreur.
Selon le Deutéronome (Dt 30, 14), « la parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. »
Ma vie n’est donc pas à rechercher au-delà de là où je suis, aujourd’hui et maintenant, car elle s’incarne en cette Parole, substantielle, qui est déjà sur mes lèvres quand je consens à la méditer et à la savourer, comme jadis, nos pères et les moines qui, du désert ont fait une cité, n’ont cessé de la méditer et de la savourer, découvrant ainsi la Vie en abondance.