Homélie du frère Philippe Verdin – Dimanche 3 mai 2020
Dans les jours de la Passion, le style de l’Evangile était laborieux, lent. Lourd comme la croix, sombre comme le soleil voilé, gris comme notre peine. Gris comme un ciel du Nord…
Mais en ces jours de Pâques, le ton de l’Evangile est devenu vif, guilleret et joyeux. Lumineux comme un ciel du Nord ! Ça court, ça se jette à l’eau, ça respire l’audace. Le Christ est là. Il a vaincu la mort : « Je suis venu pour que vous ayez la vie. Pas une vie terne, banale, ratiocinante. Une vie débordante ».
Pour nous faire comprendre qui il est, Pour nous faire saisir ce qu’il veut nous donner, Jésus emprunte des images. Quitte à provoquer de curieux paradoxes : Jésus est le berger. Mais Jésus est aussi l’agneau. Jésus vient comme un voleur (dans l’évangile selon st Jean), mais il protège les brebis contre les prédateurs… Ses comparaisons sont parfois déroutantes : Il se compare à une poule, chez St Matthieu ! Quand il se compare à une poule, Jésus veut signifier la même chose que ce que nous enseigne l’Evangile aujourd’hui : « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière d’une poule qui rassemble ses poussins sous ses ailes ! » Comme les poussins suivent la poule dans la basse-cour, comme les poussins se rassemblent en piaillant sous les ailes de la mère poule, ainsi les brebis suivent le bon berger, ainsi les brebis se rassemblent autour du berger quand surviennent le loup ou le bandit.
Le bon berger appelle chaque brebis par son nom. Jésus nous connaît bien. Il nous appelle chacun par notre nom. Et nous le reconnaissons au son de sa voix, comme Marie-Madeleine a reconnu Jésus, au matin de la Résurrection, lorsque le Rabbi l’a appelé par son prénom. Il peut venir le diable, le menteur avec sa voix doucereuse et lénifiante. Il peut se déguiser, le loup du petit chaperon rouge. Il peut mettre le bonnet de nuit de Mère-grand. La brebis dresse l’oreille. Elle se méfie. Ce n’est pas la voix franche et tendre du maître. C’est la voix de l’égorgeur.
Jésus est une poule. Jésus est le bon berger. Jésus est aussi la porte. Jésus est la sublime porte. Tous ceux qui veulent connaître Dieu doivent passer par lui. Il est le chemin, il est la porte. Pas le porche somptueux. Une porte étroite. Une humble porte qui n’ouvre pas sur une bergerie sombre qui sent le crottin, qui pue le musc, qui transpire la promiscuité : « Si quelqu’un entre en passant par moi, il pourra aller et venir. Il trouvera un pâturage. » Jésus est la porte d’ »un vaste jardin, joyeux et parfumée » écrit Sainte Catherine de Sienne. Jésus est la porte de la vie.
De l’extérieur, l’Eglise peut apparaître comme une bergerie close, où il faut montrer patte blanche, un club confiné, avec des gardiens exigeants et soupçonneux. Jésus nous rappelle que l’Eglise est un pré d’herbe fraîche, semé de muguet, sous les branches de lilas. Ce ne sont pas les curés qui sont les gardiens de la porte. C’est le Christ. Il laisse entrer qui il veut. Les brebis forment un troupeau disparate, avec des gros et de maigrelets, avec des toisons épaisses et des tondus, avec des noirs et des immaculés, avec des pusillanimes et des audacieux. C’est magnifique : c’est l’Eglise, c’est nous.
Entendons la voix du pasteur qui parle comme jamais personne n’a parlé. Ecoutons cette voix familière qui résonne et murmure au fond de notre cœur. Oui, écoutons-là. Elle est franche et claire. Laissons-nous guider dans la confiance. Broutons l’herbe fraîche de la Parole Dieu. Mangeons l’agneau. Recevons le Corps du Christ.
Amen. Alléluia !