Homélie du frère Philippe Verdin – 5e Dimanche de Carême – 3 avril 2022
Elle est terrible, insoutenable cette image d’une femme qu’on insulte, bouscule, houspille, traine à travers les rues, qu’on jette finalement au pieds de Jésus. L’éternel, ignoble et banale scène de violence envers les femmes par des hommes sans vergogne.
Cette femme ressemble curieusement au Christ qu’on va insulter, bousculer à travers les rues, torturer et mettre à mort. Pilate s’en lavera les mains. Jésus lui, écrit sur le sol. Les habitants de Jérusalem qui le prennent à témoin veulent faire d’une pierre deux coups : lapider cette femme pour assouvir leur goût du sang et trouver un motif pour condamner Jésus. Jésus se tait comme il se taira devant Pilate. Et tombe finalement cette phrase, qui résonne à travers les siècles : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Autrement dit : « qui es-tu pour juger ton frère, ta sœur ? Moi seul Fils de Dieu, peux juger. Et justement, je ne juge pas ; je fais miséricorde, j’offre une deuxième chance, mieux je donne une nouvelle vie à cette femme. »
Jésus sort du piège tendu par les pharisiens en dépassant les usages, les coutumes, les traditions mortifères. Jésus fait fi des règles quand elles empêchent de penser et ne sont que répétitions barbares. Les pharisiens se plaignent depuis un moment : « Pourquoi tes disciples transgressent-ils les traditions des anciens ? » Par la bouche du prophète Isaïe, Dieu a déjà répondu – et nous l’avons entendu dans la première lecture : « « Ne songez plus aux choses d’autrefois, car je fais une chose nouvelle. ». L’apocalypse ira plus loin : « voici, je fais toute chose nouvelle ». L’incroyable nouveauté qu’apporte le Christ dans le vieux monde vermoulu et desséché, la vie nouvelle et surabondante qui vient sur notre vieille terre fatiguée. Cette nouveauté, la voici : « Á celui qui a soif, je donnerai l’eau de la vie gratuitement. Il sera mon fils et je serai son Dieu. » Tout revit dans le Christ par l’eau qui jaillit de son cœur sur la croix. Les vieilles alliances, les contrats torves, les vendettas, toutes ces habitudes routinières et sclérosantes sont secouées, épurées par la nouvelle loi qui dit : « puisque tu es fils de Dieu, chaque homme, chaque femme est ton frère et ta sœur. Vous avez le même père. Vous recevez l’Esprit qui vous guide vers le Père, qui vous rassemble pour que vous soyez tous Un en Dieu. »
C’est ce dont rêve Paul dans la deuxième lecture : « Une seule chose compte : je cours vers ce but, oubliant ce qui est en arrière et lancé vers l’avant. »
Cette communion avec Dieu, cette communion tous ensemble avec Dieu n’est pas une utopie. Elle est en train de se réaliser. Ouvrons les yeux pour reconnaitre le travail de la grâce en notre monde, la puissance de régénération qui se manifeste autour de nous. Tiens, rien qu’à Lille, rien que cette semaine, le rassemblement Ecclesia cantic avec mille jeunes, l’assemblée générale des AFC à la catho, la générosité des Lillois pour accueillir des familles ukrainiennes, organiser des convoies de vivres, rassembler des fonds pour soutenir les Ukrainiens bombardés, et je ne parle que des occasions d’émerveillements flagrantes, je ne peux pas décrire tout ce qui est secret et magnifique : les conversions, les réconciliations, les gestes d’amour, de douceur, les mots pour consoler, le partage, la foi toute fraiche des catéchumènes, les humbles efforts de carême faits par amour de Dieu.
Alors oui, Seigneur, tu fais toute chose nouvelle. Moi aussi je veux être renouvelé, moi aussi je veux être relevé, moi aussi je veux que tu me donne un cœur nouveau. Ainsi, comme saint Paul, je courrai vers l’avenir, oubliant ce qui est derrière, lancé vers l’avant, vers l’horizon radieux où tu m’attends.