Impossible !

Homélie du frère Benoît Ente – 7e dimanche du temps ordinaire – 19 février 2023

À la messe du mercredi soir à la Maison du 60, nous accueillons des personnes qui ont subi lorsqu’elles étaient enfants des violences indescriptibles. Et parfois, ce ne sont pas elles qui ont subi ces violences, mais des êtres aimés, ce qui est peut-être pire. Alors quand elles entendent Jésus dire « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent », je peux vous assurer qu’elles réagissent : « c’est impossible. Jésus va trop loin. Il ne peut pas nous demander ça ! » Et elles ont bien raison. Ce que demande Jésus est impossible. En réalité, frères et sœurs, il n’y a qu’une seule personne qui puisse pardonner l’impardonnable, c’est Dieu lui-même… Lui seul est capable de ressusciter un amour blessé à mort. Mais alors pourquoi Jésus nous demande-t-il d’aimer nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent ? La réponse nous est donnée dans la lettre aux Corinthiens. Saint Paul écrit : « vous êtes un sanctuaire de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous » Remarquez le pluriel. C’est ensemble que nous sommes un sanctuaire de Dieu. Ce sont les liens que nous tissons les uns avec les autres qui fait habiter l’Esprit en nous. Saint Paul veut nous dire que Dieu nous donne ce qu’il a de plus précieux : lui-même c’est-à-dire son amour et son pardon. 

Accueillir ce pardon venu d’un Autre, c’est la condition pour, le jour venu, poser le geste ou dire la parole qui va retisser le lien de confiance qui a été rompu. Et c’est seulement à la lumière de ce don que les autres lectures peuvent être entendues : « soyez saints car je suis saint, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Jésus nous parle de la perfection de l’amour, la perfection du don qu’il veut nous faire. Un amour parfait est un amour qui va jusqu’à aimer ses ennemis, les pécheurs que nous sommes tous. Aimer ses ennemis, c’est le signe incontestable du disciple du Christ. C’est aussi le remède le plus puissant contre la violence et le mensonge. Et puis, entre nous frères et sœurs, nous n’avons pas le choix. Car sans cela, on pourrit dans le ressentiment et on en meurt.

Bien sûr, il y a bien des manières d’aimer. Par exemple, le livre des Lévites nous rappelle la valeur d’une parole vraie. Partager une expérience personnelle en confiance avec un ami, c’est une manière de l’aimer. Oser dire à un proche qu’il s’égare, ce n’est pas facile et c’est aussi une manière de l’aimer. Mais parfois nous savons qu’une telle parole ne suffit pas. Nous le constatons à la Maison du 60. Il arrive qu’une parole vraie et sincère ne suscite que déni et réaction violente. Jésus en a fait l’expérience. Il s’est adressé aux pharisiens et aux chefs religieux avec vigueur et une sincérité totale, mais cela n’a pas suffi. Il a dû aller encore plus loin. La seule manière pour qu’un être humain enraciné dans le mal ait une chance de s’en sortir, c’est de l’aimer vraiment c’est-à-dire jusqu’à risquer d’y perdre son confort, sa sécurité, sa vie. Un geste d’amour sincère fait vibrer l’étincelle divine qui est au cœur de chaque être humain. Quand Jésus donne sa vie par amour, il crée une secousse sismique intérieure capable de retourner les cœurs les plus endurcis. 

Je vous entends me dire : « mais nous ne sommes pas Jésus ». C’est vrai, sauf que, comme le la lettre aux Corinthiens, l’Esprit de Dieu habite en vous c’est-à-dire l’Esprit du Père, l’Esprit de Jésus. Essayez et vous verrez cet Esprit en vous. Chiche de répondre à un acte de malveillance par un acte d’amour. Et même si cet acte d’amour se résume à une prière ou au renoncement à la vengeance, c’est déjà une immense victoire. Et même si les circonstances vous obligent, pour défendre les vôtres, à devoir résister à un ennemi. Si vous le faites sans haine et sans esprit de vengeance, c’est déjà un acte d’amour. Et chaque fois, oui chaque fois que vous entrez dans cette démarche courageuse et noble, vous constaterez que vous n’agissez pas seul, que l’Esprit de Dieu habite en vous. Cela aussi nous le voyons chez les fidèles à la Maison du 60 et cela fait notre émerveillement. Comme le dit le psalmiste, « Dieu te couronne d’amour et de tendresse. » N’est-ce pas là ce qu’il y a de plus désirable en ce monde ? Oui frères et sœurs, mesurons notre chance d’être appelés par Jésus à recevoir une si belle couronne.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *