Homélie du frère Franck Guyen – Jeudi de l’octave de Pâques 13 avril 2023
Chers amis, nous croyons en un grand mystère : Jésus Christ est mort pour enlever nos péchés et il est ressuscité pour nous ouvrir le chemin de la vie éternelle. En avançant dans sa compréhension qui passe par son inscription concrète dans notre existence, nous découvrons son ampleur qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer et nous sommes attirés toujours plus loin, toujours plus haut.
Ce mystère nous lancine comme il a lanciné les contemporains de Jésus. « Qui est cet homme ? ». Qui est cet homme surgi de nulle part, qui opère des guérisons et des exorcismes comme on n’en a jamais vu ? D’où lui vient cette façon de parler de Dieu comme s’il le connaissait personnellement, et bien plus que la Torah, la Loi ? Qui est-il, celui-là qui domine la mort comme il a dominé la mer ?
Cette question nous lancine parce qu’elle met en jeu l’aspiration profonde au bonheur et à la vie commune à toute la création. Est-ce lui qui établira enfin le droit et la vérité sur la terre ? Est-ce lui qui libérera la création de l’esclavage de la mort et du mal ? Est-ce lui qui nous réconciliera avec nos compagnons humains et non humains, avec nous-mêmes et avec Dieu ? Est-ce lui le Messie attendu pour la fin des temps, le plénipotentiaire de Dieu qui vient instaurer le Royaume de Dieu où la paix, la justice, la vérité et l’amour véritables règneront pour toujours ?
Les apôtres se sont posés la question tout au long de leur cheminement avec Jésus. Un jour, Jésus a estimé qu’ils étaient prêts et il les a interrogés : « pour vous, qui suis-je ? ».
Je crois qu’à ce moment, Simon-Pierre a reçu une révélation intérieure où tous les évènements vécus avec Jésus se sont emboîtés les uns dans les autres, telles les pièces d’un puzzle. Simon-Pierre, poussé par une force irrépressible, s’est alors écrié : « mais bien sûr, tu es le Messie, le Fils de Dieu, et çà explique tout ».
Puis Simon-Pierre est retombé dans la perplexité lorsque Jésus a prophétisé sa Passion et sa Résurrection. Lui et les apôtres devront encore cheminer et même après la résurrection, alors qu’ils avaient pourtant bénéficié d’une première apparition, ils confondront Jésus avec un esprit.
Mes amis, nous aussi nous avons à porter la question : « Qui est cet homme ? », nous aussi nous avons à progresser dans notre saisie du mystère de la personne de Jésus. Baptisés, nous pouvons nous appuyer sur les Écritures, sur l’Église, sur l’Esprit saint, sur le Ressuscité qui nous accompagne au long de notre histoire.
À certains moments-jalons de notre chemin personnel et communautaire, « les planètes sont alignées » : notre tête (l’intellect), notre cœur (la volonté) et nos entrailles (l’affectivité) sont synchrones avec la volonté de Dieu, les vertus théologales de la foi, de l’espérance et de la charité entrent en résonance et la vie trinitaire coule à flots dans notre être.
Alors nous entrapercevons la puissance de vie qui se déploie à partir du Christ ressuscité. Alors, avec l’apôtre Thomas, nous tombons à genoux avec ce cri irrépressible jaillissant du cœur : « Mon Seigneur et mon Dieu », avant de nous relever pour vite annoncer au monde entier la bonne nouvelle : « Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, et tout s’explique, tout a du sens, tout fait sens ».
Et puis la fenêtre entrouverte se referme, nous laissant avec une foi qui a gagné en profondeur, en hauteur, en largeur et en longueur – et avec elle l’espérance et l’amour.
Et nous accédons au niveau supérieur du puzzle.