Homélie du frère Jean-Pierre Mérimée – 3e Dimanche de l’Avent – 17 décembre 2023
Un peuple. Nous sommes le peuple du Dieu de la Bible.
Nous sommes le peuple de l’attente du Sauveur.
Mais nous ne somme pas seuls à attendre. L’humanité entière est travaillée par une recherche, une quête de sens. L’homme devine qu’il est appelé à être plus que ce qu’il vit aujourd’hui. Il a une insatisfaction, une vive conscience de la part manquante, en recherche toujours de ce qui peut la combler.
Chrétiens, nous attendons dans la joie que Dieu soit fidèle à sa promesse de nous envoyer un Messie.
Oui, nous sommes le peuple de la joie, nous nous préparons à accueillir un nouveau-né à Noël -un Dieu à visage d’homme- à lui ouvrir nos bras, à lui donner la chaleur de notre fraternité, de notre humanité, de notre amour, Lui notre Sauveur .
On peut nous demander légitimement: qu’attendez vous de la vie – la vraie vie – une vie qui ne soit pas rêvée, fantasmée?
Nous n’allons pas trouver la réponse dans les nouvelles des journaux où triomphent la guerre et l’injustice. Sans parler de l’inconscience face aux dérèglements climatiques.
Allons-nous alors la chercher dans le cocon d’un bonheur égoïste, à l’image de celui qui ferme les yeux, la bouche et les oreilles sur la réalité du monde?
Ou encore : dans l’étourdissement d’une intelligence artificielle aux pouvoirs démesurés ? Dans l’espoir secret que la technologie vienne enfin résoudre tous nos problèmes ?
Oui, qu’attendons-nous au juste ?
Ce 3ième dimanche de l’Avent s’appelle le dimanche de la joie . De quelle joie s’agit-il qui ne soit pas un leurre de plus ?
Que disent les textes de ce jour ?
Le texte d’Isaïe parle d’exilés qui reviennent au pays et sont terriblement déçus par les changements de mentalité au moment même où ils veulent restaurer le Temple de Jérusalem.
Eh bien, cet échec, Isaïe va le transformer en une prophétie qui touche le cœur de la mission de Celui qu’on attend/ puisque c’est Jésus lui-même, dans l’évangile de Luc au chapitre 4, qui va ouvrir le livre d’Isaïe dans la synagogue de Nazareth. Il va lire le passage que nous venons d’écouter pour annoncer cette nouvelle inouïe, qui répond à l’attente de tout un peuple : « Aujourd’hui s’accomplit le passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Joie profonde de savoir en quoi consiste la mission du Christ à laquelle il nous associe aujourd’hui , cette entreprise de libération, de salut: « Porter la bonne nouvelle aux pauvres/ Annoncer aux captifs la libération/ Aux aveugles qu’ils retrouveront la vue/ Remettre en liberté les opprimés/ Annoncer une année favorable pour le Seigneur ».
Et les pauvres, ils ne manquent pas, il suffit d’ouvrir les yeux et son cœur : Notre archevêque les a vus dans ce campement à Lille Sud où tentaient de survivre ces dernières semaines 60 migrants mineurs dans la boue, le vent et le froid. Il a suscité un bel élan de solidarité dans les paroisses qui se sont engagées à les accueillir le temps de la trêve hivernale.
Et les captifs, les aveugles, les opprimés, les pauvres, c’est à des degrés divers ce que nous sommes aussi, toujours en recherche d’être aimés, pardonnés, rassemblés en un seul peuple.
Notre Dieu est un Dieu fidèle, c’est le Dieu de la promesse chantée dans le magnificat : La prière de Marie, c’est aussi celle de tout le peuple de la Bible avant elle. Oui, nous situons aujourd’hui notre attente dans cette longue histoire, celle de Marie et de tous ces croyants avant elle et de tous les croyants après elle: réjouis-toi, Marie, comblée de grâce, tu portes le Sauveur, réjouissons-nous : gaudete !
St Paul, comme Isaïe, s’adresse à un peuple de croyants fragilisé par la persécution, les Thessaloniciens. Comment se réjouir dans ces conditions ?Il faut suivre le conseil que Paul leur donne :« N’éteignez pas l’Esprit. » Avec l’Esprit nous inventons les gestes de la vie fraternelle. Nous discernons ses signes à l’œuvre en nous et autour de nous. Ils nous permettent de voir germer l’espérance, de lire les signes des temps, de discerner les faux prophètes, ceux qui affaiblissent l’élan de la communauté, ceux qui se mettent en dehors de sa recherche synodale d’unité.
En ce 3éme dimanche de l’Avent, notre prière sera aux couleurs de notre émerveillement devant la fidélité de Dieu à ses promesses, sa fidélité au peuple de l’Alliance .
Elle sera aux couleurs de notre action de grâce pour l’Esprit à l’œuvre dans le monde et pour tout ce qui germe de beau et de bien et de bon, annoncé ainsi par Jean le précurseur : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Il fera toutes choses nouvelles.
Enfin elle sera nourrie de la découverte de l’amour privilégié de Dieu pour les pauvres et les petits d’une humanité dont il va prendre la condition. Préparons-nous à l’accueillir en étant les mains de Dieu et son regard et sa présence là où l’humain est menacé. Amen.