Homélie du frère Rémy Valléjo – Samedi 25 avril 2020
Nous connaissons bien les quatre évangélistes : Matthieu, Luc, Marc et Jean.
Nous les connaissons par les symboles qui, à l’aune d’une prophétie d’Ezéchiel, leurs sont systématiquement attribués
non seulement dans les homélies des Pères de l’Église,
mais aussi sur les tympans de nos basiliques et cathédrales romanes et gothiques.
L’ange, le taureau, le lion et l’aigle évoquent ainsi l’Incipit – ou le commencement – de chacun des Évangiles :
« Commençant par une généalogie humaine,
Mathieu a droit d’être signifié par l’homme ;
commençant avec un cri dans le désert,
Marc l’est avec justesse par le lion ;
ouvrant son récit par un sacrifice,
Luc l’est convenablement par le jeune bœuf ;
commençant par la divinité du Verbe, Jean mérite de l’être par l’aigle, car lorsqu il dirige son regard vers l’essence de la divinité, il fixe bien des yeux le soleil à la façon de l’aigle. » (Grégoire le Grand)
Mais ils peuvent désigner les qualités de Jésus-Christ.
Beaucoup pensent que c’est notre Seigneur qui, dans les quatre évangiles, est figuré par les symboles des quatre animaux.
C’est Lui l’homme, Lui le lion, Lui le taureau, Lui l’aigle :
l’homme puisqu’il est né de Marie ;
le lion, parce qu’il est fort ;
le taureau, parce qu’il est victime ;
l’aigle parce qu’Il est résurrection. (Saint Ambroise)
Cependant,
les évangélistes sont d’abord des hommes de chair et de sang.
– Lévi-Matthieu : un « publicain » (Mt 9, 9 )
– Jean : un « disciple bien aimé » (13, 23)
–
Luc : un homme, compagnon de route de Cléophas sur le chemin d’Emmaüs
(Lc 24, 13) dont l’anonymat serait une signature selon la tradition
médiévale.
– Marc : « jeune homme » démuni qui, à
Gethsémani, « n’ayant pour tout vêtement qu’un drap » l’abandonne et
« s’enfuit tout nu » ; un « jeune homme » dont l’anonymat serait là
aussi une signature (Mc 15, 51)
De chair et de sang,
l’évangéliste Marc serait donc un homme démuni face l’adversité.
Un homme qui fuit pour ne pas affronter la réalité,
contraint de tout abandonner jusqu’à ce qui cache sa pauvre nudité d’homme sans sécurité.
Cet homme-là n’est pas seulement l’évangéliste,
lorsque je me découvre moi-même,
lorsque nous nous découvrons tous aujourd’hui nus, démunis et fuyants face à l’adversité,
sans rien pour envisager un avenir incertain.
Avec saint Marc,
il nous faut certes consentir à cette épreuve,
mais aussi et surtout apprendre,
face au mystère de la Croix,
à faire de notre avenir – la Résurrection – une Bonne nouvelle,
un Évangile pour tous ceux qui, aujourd’hui, en ces temps incertains, en ont tant besoin.
Puissions-nous donc invoquer saint Marc en ces jours incertains,
afin qu’il nous aide non seulement à dépasser notre propre être fuyant,
tapi dans ses propres obscurités,
mais aussi à faire preuve de force d’âme – malgré notre être démuni – pour annoncer la Bonne nouvelle,
nous qui – baptisés dans la mort et la résurrection du Christ – sommes tous députés à l’évangélisation de la Parole de Dieu.